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28 LE CLOWN

Et j’ai noctambule triste» hagard, crotté. Vêtu pendant Thiver de jaquettes d’été, Et d’uisters poussiéreux pendant la canicule. Mais un jour, lassé d’être un martyr ridicule, Pour dompter le public il faut, me suis -je dit, Employer quelque truc aussi fort qu’inédit. Alors j’ai dédaigné les ornières connues, Que suivaient les anciens pour aller jusqu’aux nues ; Et, pour mieux m’écarter des vulgaires chemins, A la postérité j’ai marché sur les mains. Je suis le clown moderne et froid, ma jambe maigre, Gomme un piment confit longtemps dans du vinaigre, A d’étranges zigzags où le songeur se plait ; Je sais poser mon front pensif sur mon mollet, En faisant de petits bonjours de ma bottine A la brune ambrée, aux senteurs de veloutine, Qui profile son galbe aimable aux promenoirs. Je vois s’illuminer les yeux verts, bleus ou noirs. Quand, au son du hautbois, de mon orteil senestre . Je mouche élégamment le nez du chef d’orchestre. Je porte une perruque écarlate, un maillot Tout zébré de dessins fantasques, dernier mot Des gommeux du tremplin ; mon sourcil circonflexe Abrite mon regard qui trouble l’autre sexe. Je suis le roi des désossés ; comble de Tart, Je rase une table en faisant le grand écart. Gomme un rameur véloce en une périssoire, J’improvise des pas sur une balançoire ; Les applaudissements gantés me sont acquis, Quand je jongle avec les couteaux, d’un air exquis. Brillant d’une gaité féroce et japonaise, Tantôt guépard, tantôt boa, toujours à l’aise. Je sai& bondir, ramper, m’aplatir chaque soir Et ce qui sert aux autres hommes à s’asseoir