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LE CAPITALISTE


À Coquelin-Cadet.

(En homme pressé.)

Je suis très-ennuyé. Je viens vous demander un conseil ; et donnez-le moi très-vite parce que j’ai placé la plus grande partie de mes capitaux, c’est vrai, mais j’ai encore une somme de deux millions cinq cent mille francs, sans compter les intérêts qui courent, qui courent, qui courent pendant que je vous parle et qui ne sont pas payés, à raison de 6 pour cent (on place à 7, même 8 dans le commerce) ; mais je ne suis pas exigeant, je me contenterai de 5, seulement en placements sûrs. Je ne fais que ceux-là. — J’aimerais mieux perdre sur un placement sûr que gagner sur un placement aléatoire.

Vous croyez que c’est amusant d’être capitaliste. C’est vrai, quelquefois c’est amusant, mais il faut qu’on n’ait pas un instant à soi !  ! il faut que tous vos capitaux soient engagés, — Et c’est difficile ! On n’en veut pas du capital ; personne ne veut d’argent ; alors votre argent dort et vous ne dormez pas ! — Une dinde rôtie peut attendre ; une fiancée (sans comparaison) peut attendre devant l’autel ; une mère (sans comparaison encore) peut attendre son fils qui ne revient pas de la guerre, elle peut attendre ; l’argent seul n’attend pas !