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ORTES (Giammaria) m- à Venise en 171!?, entra dans l’ordre des CainaIdules ;cédant aux sollicitations maternelles, il le quitta à la mort de son père. Toutefois il resta dans les ordres, voyagea en France et en Angleterre, et mourut en 1790. Fidèle aux traditions de l'Eglise, il se constitua le défenseur de la mainmorte ecclésiastique dans ses Ervori po\iohm intcrno alT cconouiia mizionale coni>i- derati sullc presenti controvcrsie in ordine al po>isedimcnlodi bcni [Venise, 1771 clCollezionc Custodi, Vol. X.\V\ et traita des sujets purement économiques dans son livre Économia Nozionalc (Naplos, 1774 et Collection Custodi, Vol. XXI, XXII et XXIII) et dans ses Ri/lcs- sioui sidla popolazione per rapporta alTeco- nniida nazionale (1700 et Collection Custodi, Vol. XXIV).

Ortes est un précurseur  ; dans ses Riftcsiiioni, antérieures de quelques années à la première édition de l'Essai de Malthus, nous trouvons une théorie détaillée et précise de la progression géométrique de la population. Suivant lui, celle-ci irait en se doublant tous les trente ans, si elle ne rencontrait aucun obstacle et pouvait s’abandonner aux inclinations de la nature. Dans le règne animal, cet accroissement est limité par la violence  ; chez l’homme, il est réprimé par la raison, qui agit à la façon de la contrainte morale recommandée un peu plus lard par Malthus. Pour Ortes comme pour Mallhus, toute population doit se restreindre et respecter les limites que lui trace le soin de sa subsistance  ; sinon il lui sera impossible de vivre en liberté et en sécurité. Ortes pousse même l’appréhension jusqu’à faire bon marché des ressources alimentaires que procure le commerce avec l’étranger.

Cependant il n’est pas mercantiliste, puisque dans son Economia yaziunale il se prononce en faveur de la liberté du commerce et déclare que la monnaie, loin de constituer la richesse, n’en est que le signe  : la richesse réelle et véritable, ce sont les biens échangés et susceptibles d’être consommés (i benipcr’ nuitati e consumabili).

L’or et l’argent affluent naturellement dans les pays qu’enrichissent le travail et l’industrie  ; essayer d’autres moyens de les y attirer, c’est agir comme un homme qui essayerait de renfermer et de coudre du brouillard dans un sac  ; les anciens mercantilistes confondent l’équivalence et l’identité. Par une inconséquence singulière, Ortes qu’on pourrait, à cause de l’importance capitale qu’il attache au développement de la production intérieure d’un pays, appeler un colbertiste moins la protection, a sur la formation du capital, des conceptions dont l’originalité ne rachète pas le manque de solidité. Pour lui, la somme de productivité possible d’une nation est fixe et l’activité des uns implique nécessairement le désœuvrement des autres  : « L’oisiveté économique des uns, écrit-il, est tout aussi nécessaire que l’activité des autres. » « Dans chaque nation, la quantité des biens existants est déterminée par ses besoins sans qu’il soit possible de l'augmenter de l’épaisseur d’un cheveu. » Peut-être faut-il attribuer cette opinion singulière au fait qu’Ortes se complaît à considérer chaque nation à l’état isolé et réduite à la subsistance qu’elle produit elle-même  ; il néglige l’action possible et souvent considérable des échanges internationaux et des établissements de crédit. Cet oubli est étrange de la part d’un citoyen de Venise, même de Venise déchue.

Dans son Calcolo sopra il valore delle Opinioni Umani, Ortes se sert de formules mathématiques et imagine des tracés graphiques pour résoudre des problèmes purement moraux.

Bibliographie.

Sur les tendances générales d’Oifes, voir Castc, Hisloirf des Italiens, t. X, p. ly3. Il est longuement analysé dans un ouvrage de M. Errera, L’ Economia PoUtica nei Seeod XVn e XVIII nella Reppublica Veneta (Venise. 1877)  ; M. Lumpertico l’a également étudié en détail dans sa monographie Ortes e la Scienza economica del sua tempo (Venise, 186j).