Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/89

Cette page a été validée par deux contributeurs.
88
LIVRE PREMIER. — CHAPITRE VII.

en France et en Allemagne, dans ce moment, qu’avant l’introduction des machines, qui ont singulièrement abrégé et perfectionné ce travail.

Un exemple assez frappant encore du même effet, est celui que présente la machine qui sert à multiplier rapidement les copies d’un même écrit ; je veux dire l’imprimerie.

Je ne parle pas de l’influence qu’a eue l’imprimerie sur le perfectionnement des connaissances humaines et sur la civilisation ; je ne veux la considérer que comme manufacture et sous ses rapports économiques. Au moment où elle fut employée, une foule de copistes durent rester inoccupés ; car on peut estimer qu’un seul ouvrier imprimeur fait autant de besogne que deux cents copistes. Il faut donc croire que cent quatre-vingt-dix-neuf ouvriers sur deux cents restèrent sans ouvrage. Eh bien, la facilité de lire les ouvrages imprimés, plus grande que pour les ouvrages manuscrits, le bas prix auquel les livres tombèrent, l’encouragement que cette invention donna aux auteurs pour en composer en bien plus grand nombre, soit d’instruction, soit d’amusement ; toutes ces causes firent qu’au bout de très-peu de temps, il y eut plus d’ouvriers imprimeurs employés qu’il n’y avait auparavant de copistes. Et si à présent on pouvait calculer exactement, non-seulement le nombre des ouvriers imprimeurs, mais encore des industrieux que l’imprimerie fait travailler, comme graveurs de poinçons, fondeurs de caractères, fabricans de papier, voituriers, correcteurs, relieurs, libraires, on trouverait peut-être que le nombre des personnes occupées par la fabrication des livres est cent fois plus grand que celui qu’elle occupait avant l’invention de l’imprimerie.

Qu’on me permette d’ajouter ici que si nous comparons en grand l’emploi des bras avec l’emploi des machines, et dans la supposition extrême où les machines viendraient à remplacer presque tout le travail manuel, le nombre des hommes n’en serait pas réduit, puisque la somme des productions ne serait pas diminuée, et il y aurait peut-être moins de souffrances à redouter pour la classe indigente et laborieuse ; car alors, dans les fluctuations qui, par momens, font souffrir les diverses branches d’industrie, ce seraient des machines principalement, c’est-à-dire des capitaux, qui chômeraient plutôt que des bras, plutôt que des hommes ; or, des machines ne meurent pas de faim ; elles cessent de rapporter un profit à leurs entrepreneurs, qui, en général, sont moins près du besoin que de simples ouvriers.

Mais quelque avantage que présente définitivement l’emploi d’une nouvelle machine pour la classe des entrepreneurs et même pour celle