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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

l’œuvre, est productif ; enfin, le travail du manouvrier, depuis le journalier qui bêche la terre, jusqu’au matelot qui manœuvre un navire, est encore productif.

Il est rare qu’on se livre à un travail qui ne soit pas productif, c’est-à-dire qui ne concoure pas aux produits de l’une ou de l’autre industrie. Le travail, tel que je viens de le définir, est une peine ; et cette peine ne serait suivie d’aucune compensation, d’aucun profit ; quiconque la prendrait commettrait une sottise ou une extravagance. Quand cette peine est employée à dépouiller, par force ou par adresse, une autre personne des biens qu’elle possède, ce n’est plus une extravagance : c’est un crime. Le résultat n’en est pas une production, mais un déplacement de richesse.

Nous avons vu que l’homme force les agens naturels, et même les produits de sa propre industrie, à travailler de concert avec lui à l’œuvre de la production. On ne sera donc point surpris de l’emploi de ces expressions : le travail ou les services productifs de la nature, le travail ou les services productifs des capitaux.

Les services productifs des agens naturels et les services productifs des produits auxquels nous avons donné le nom de capital, ont entre eux la plus grande analogie, et sont perpétuellement confondus ; car les outils et les machines qui font partie d’un capital, ne sont en général que des moyens plus ou moins ingénieux de tirer parti des forces de la nature. La machine à vapeur n’est qu’un moyen compliqué de tirer parti alternativement de l’élasticité de l’eau vaporisée et de la pesanteur de l’atmosphère ; de façon qu’on obtient réellement d’une machine à vapeur une quantité d’utilité plus grande que celle qu’on obtiendrait d’un capital égal, mais qui ne mettrait pas en jeu les puissances de la nature.

Cela nous indique sous quel point de vue nous devons considérer toutes les machines, depuis le plus simple outil jusqu’au plus compliqué, depuis une lime jusqu’au plus vaste appareil ; car les outils ne sont que des machines simples, et les machines ne sont que des outils compliqués que nous ajoutons à nos bras pour en augmenter la puissance ; et les uns et les autres ne sont, à beaucoup d’égards, que des moyens d’obtenir le concours des agens naturels[1]. Leur résultat est évidemment de donner

  1. On peut, en généralisant davantage, se représenter, si l’on veut, une terre comme une grande machine au moyen de laquelle nous fabriquons du blé, machine que nous remontons en la cultivant. On peut encore se représenter un troupeau comme une machine à faire de la viande ou de la laine. Mais dans les cas pareils, la machine ne pourrait être suppléée par aucune quantité quelconque de travail humain.