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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE VII.

leur amusement ou à quelque chose de pis. Je ne crois pas qu’il y ait un plus noble emploi de la richesse et des talens. Un citoyen riche et philanthrope peut ainsi faire à la classe industrieuse et à celle qui consomme, c’est-à-dire au monde entier, des présens qui surpassent de beaucoup la valeur de ce qu’il donne, et même de sa fortune, quelque grande qu’elle soit. Qu’on calcule, si l’on peut, ce qu’a valu aux nations l’inventeur inconnu de la charrue[1].

Un gouvernement éclairé sur ses devoirs, et qui dispose de ressources vastes, ne laisse pas aux particuliers toute la gloire des découvertes industrielles. Les dépenses que causent les essais, quand le gouvernement les fait, ne sont pas prises sur les capitaux de la nation, mais sur ses revenus, puisque les impôts ne sont, ou du moins ne devraient jamais être levés que sur les revenus. La portion des revenus qui, par cette voie, se dissipe en expériences, est peu sensible, parce qu’elle est répartie sur un grand nombre de contribuables ; et les avantages qui résultent des succès étant des avantages généraux, il n’est pas contraire à l’équité que les sacrifices au prix desquels on les a obtenus, soient supportés par tout le monde.

CHAPITRE VII.

Du travail de l’homme, du travail de la nature, et de celui des machines.

J’appelle travail l’action suivie à laquelle on se livre pour exécuter une des opérations de l’industrie, ou seulement une partie de ces opérations.

Quelle que soit celle de ces opérations à laquelle le travail s’applique, il est productif, puisqu’il concourt à la création d’un produit. Ainsi le travail du savant qui fait des expériences et des livres, est productif ; le travail de l’entrepreneur, bien qu’il ne mette pas immédiatement la main à

  1. Grâces à l’imprimerie, les noms des bienfaiteurs de l’humanité se perpétueront désormais, et, si je ne me trompe, avec plus d’honneur que ceux qui ne rappelleront que les déplorables exploits de la guerre. Parmi ces noms, on conservera ceux d’Olivier de Serres, le père de l’agriculture française, le premier qui ait eu une ferme expérimentale ; ceux de Duhamel, de Malesherbes, à qui la France est redevable de tant de végétaux utiles naturalisés parmi nous ; celui de Lavoisier, auquel on doit principalement dans la chimie une révolution qui en a entraîné plusieurs importantes dans les arts ; ceux enfin de plusieurs habiles voyageurs modernes : car on peut considérer les voyages comme des expériences industrielles.