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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

Un autre profite de ces connaissances pour créer des produits utiles. C’est l’agriculteur, le manufacturier ou le commerçant ; ou, pour les désigner par une dénomination commune à tous les trois, c’est l’entrepreneur d’industrie, celui qui entreprend de créer pour son compte, à son profit et à ses risques, un produit quelconque[1].

Un autre enfin travaille suivant les directions données par les deux premiers. C’est l’ouvrier.

Qu’on examine successivement tous les produits : on verra qu’ils n’ont pu exister qu’à la suite de ces trois opérations.

S’agit-il d’un sac de blé ou d’un tonneau de vin ? Il a fallu que le naturaliste ou l’agronome connussent la marche que suit la nature dans la production du grain ou du raisin, le temps et le terrain favorables pour semer ou pour planter, et quels sont les soins qu’il faut prendre pour que ces plantes viennent à maturité. Le fermier ou le propriétaire ont appliqué ces connaissances à leur position particulière, ont rassemblé les moyens d’en faire éclore un produit utile, ont écarté les obstacles qui pouvaient s’y opposer. Enfin, le manouvrier a remué la terre, l’a ensemencée, a lié et taillé la vigne. Ces trois genres d’opérations étaient nécessaires pour que le blé ou le vin fussent entièrement produits.

Veut-on un exemple fourni par le commerce extérieur ? Prenons l’indigo. La science du géographe, celle du voyageur, celle de l’astronome, nous font connaître le pays où il se trouve, et nous montrent les moyens de traverser les mers. Le commerçant arme des bâtimens, et envoie chercher la marchandise. Le matelot, le voiturier, travaillent mécaniquement à cette production.

Que si l’on considère l’indigo seulement comme une des matières premières d’un autre produit, d’un drap bleu, on s’aperçoit que le chimiste fait connaître la nature de cette substance, la manière de la dissoudre, les mordans qui la font prendre sur la laine. Le manufacturier rassemble les moyens d’opérer cette teinture ; et l’ouvrier suit ses ordres.

  1. Les Anglais n’ont point de mot pour rendre celui d’entrepreneur d’industrie ; ce qui les a peut-être empêchés de distinguer dans les opérations industrielles, le service que rend le capital, du service que rend, par sa capacité et son talent, celui qui emploie le capital ; d’où résulte, comme on le verra plus tard, de l’obscurité dans les démonstrations où ils cherchent à remonter à la source des profits.

    La langue italienne, beaucoup plus riche à cet égard que la leur, a quatre mots pour désigner ce que nous entendons par un entrepreneur d’industrie : imprenditore, impresario, intraprenditore, intraprensore.