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PRÉLIMINAIRE.

choisir les faits particuliers les mieux observés, les mieux constatés, ceux dont on a été soi-même le témoin ; et lorsque les résultats en ont été constamment les mêmes, et qu’un raisonnement solide montre pourquoi ils ont été les mêmes, lorsque les exceptions mêmes sont la confirmation d’autres principes aussi bien constatés, on est fondé à donner ces résultats comme des lois générales, et à les livrer avec confiance au creuset de tous ceux qui, avec des qualités suffisantes, voudront de nouveau les mettre en expérience. Un nouveau fait particulier, s’il est isolé, si le raisonnement ne démontre pas la liaison qu’il a avec ses antécédens et ses conséquens, ne suffit point pour ébranler une loi générale ; car, qui peut répondre qu’une circonstance inconnue n’ait pas produit la différence qu’on remarque entre deux résultats ? Je vois une plume légère voltiger dans les airs, et s’y jouer quelquefois long-temps avant de retomber à terre : en conclurai-je que la gravitation universelle n’existe pas pour cette plume ? J’aurais tort. En économie politique, c’est un fait général que l’intérêt de l’argent s’élève en proportion des risques que court le prêteur de n’être pas remboursé. Conclurai-je que le principe est faux, pour avoir vu prêter à bas intérêt dans des occasions hasardeuses ? Le prêteur pouvait ignorer son risque, la reconnaissance ou la peur pouvait lui commander des sacrifices ; et la loi générale, troublée en un cas particulier, devait reprendre tout son empire du moment que les causes de perturbation auraient cessé d’agir. Enfin, combien peu de faits particuliers sont complètement avérés ! Combien peu d’entre eux sont observés avec toutes leurs circonstances ! Et, en les supposant bien avérés, bien observés et bien décrits, combien n’y en a-t-il pas qui ne prouvent rien, ou qui prouvent le contraire de ce qu’on veut établir.

Aussi, n’y a-t-il pas d’opinion extravagante qui n’ait été ap-