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DE LA PRODUCTION DES RICHESSES.

coton, et beaucoup d’autres choses. Ainsi, toute espèce de manufacture donne des produits, pourvu qu’il s’y trouve industrie et capital : le fonds de terre n’est pas absolument nécessaire, à moins qu’on ne donne ce nom au local où sont placés les ateliers, et qu’on tient à loyer ; ce qui serait juste à la rigueur. Mais si l’on appelle un fonds de terre le local où s’exerce l’industrie, on conviendra du moins que, sur un bien petit fonds, on peut exercer une bien grande industrie, pourvu qu’on ait un gros capital.

On peut tirer de là cette conséquence, c’est que l’industrie d’une nation n’est point bornée par l’étendue de son territoire, mais bien par l’étendue de ses capitaux.

Un fabricant de bas, avec un capital que je suppose égal à 20,000 fr, peut avoir sans cesse en activité dix métiers à faire des bas. S’il parvient à avoir un capital de 40,000 francs, il pourra mettre en activité vingt métiers ; c’est-à-dire qu’il pourra acheter dix métiers de plus, payer un loyer double, se procurer une double quantité de soie ou de coton propres à être ouvrés, faire les avances qu’exige l’entretien d’un nombre double d’ouvriers, etc., etc.

Toutefois, la partie de l’industrie agricole qui s’applique à la culture des terres, est nécessairement bornée par l’étendue du territoire. Les particuliers et les nations ne peuvent rendre leur territoire ni plus étendu, ni plus fécond que la nature n’a voulu ; mais ils peuvent sans cesse augmenter leurs capitaux, par conséquent étendre presque indéfiniment leur industrie manufacturière et commerciale, et par là multiplier des produits qui sont aussi des richesses.

On voit des peuples, comme les genevois, dont le territoire ne produit pas la vingtième partie de ce qui est nécessaire à leur subsistance, vivre néanmoins dans l’abondance. L’aisance habite dans les gorges infertiles du Jura, près de Neufchâtel, parce qu’on y exerce plusieurs arts mécaniques. Au treizième siècle, on vit la république de Venise, n’ayant pas encore un pouce de terre en Italie, devenir assez riche par son commerce, pour conquérir la Dalmatie, la plupart des îles de la Grèce, et Constantinople. L’étendue et la fertilité du territoire d’une nation tiennent au bonheur de sa position. Son industrie et ses capitaux tiennent à sa conduite. Toujours il dépend d’elle de perfectionner l’une et d’accroître les autres.

Les nations qui ont peu de capitaux ont un désavantage dans la vente de leurs produits ; elles ne peuvent accorder à leurs acheteurs de l’inté-