son côté, lorsqu’il a dit[1] qu’une fois que le commerce extérieur cesse, la masse des richesses intérieures ne peut être augmentée. Il semblerait que la richesse ne peut venir que du dehors. Mais au dehors, d’où viendrait-elle ? Encore du dehors. Il faudrait donc, en la cherchant de dehors en dehors, et en supposant les mines épuisées, sortir de notre globe ; ce qui est absurde.
C’est sur ce principe évidemment faux que Forbonnais, aussi, bâtit son système prohibitif[2], et, disons-le franchement, qu’est fondé le système exclusif des négocians peu éclairés, celui de tous les gouvernemens de l’Europe et du monde. Tous s’imaginent que ce qui est gagné par un particulier est nécessairement perdu par un autre, que ce qui est gagné par un pays est inévitablement perdu par un autre pays ; comme si les choses n’étaient pas susceptibles de croître en valeur, et comme si la propriété de plusieurs particuliers et des nations ne pouvait pas s’accroître sans être dérobée à personne. Si les uns ne pouvaient être riches qu’aux dépens des autres, comment tous les particuliers dont se compose un état pourraient-ils en même temps être plus riches à une époque qu’à l’autre, comme ils le sont évidemment en France, en Angleterre, en Hollande, en Allemagne, comparativement à ce qu’ils étaient ? Comment toutes les nations en même temps seraient-elles de nos jours plus opulentes et mieux pourvues de tout, qu’elles ne l’étaient au septième siècle ? D’où auraient-elles tiré les richesses qu’elles possèdent maintenant, et qui alors n’étaient nulle part ? Serait-ce des mines du nouveau-monde ? Mais elles étaient déjà plus riches avant que l’Amérique fût découverte. D’ailleurs, qu’ont produit les mines du nouveau-monde ? Des valeurs métalliques. Mais les autres valeurs que possèdent les nations de plus qu’au moyen-âge, d’où les ont-elles tirées ? Il est évident que ce sont des richesses créées.
Concluons donc que les richesses, qui consistent dans la valeur que l’industrie humaine, à l’aide des instrumens qu’elle emploie, donne aux choses, que les richesses, dis-je, sont susceptibles d’être créées, détruites, d’augmenter, de diminuer dans le sein même de chaque nation, et indépendamment de toute communication au dehors, selon la manière dont on s’y prend pour opérer de tels effets. Vérité importante, puisqu’elle met à la portée des hommes les biens dont ils sont avides avec raison, pourvu qu’ils sachent et qu’ils veuillent employer les vrais moyens de les obtenir. Le développement de ces moyens est le but de cet ouvrage.