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LIVRE PREMIER. — CHAPITRE I.

également des richesses les choses qui méritent ce nom, soit qu’il y en ait beaucoup ou peu ; de même qu’un grain de blé est du blé, aussi bien qu’un sac rempli de cette denrée.

La valeur de chaque chose est arbitraire et vague tant qu’elle n’est pas reconnue. Le possesseur de cette chose pourrait l’estimer très-haut, sans en être plus riche. Mais du moment que d’autres personnes consentent à donner en échange, pour l’acquérir, d’autres choses pourvues de valeur de leur côté, la quantité de ces dernières que l’on consent à donner, est la mesure de la valeur de la première ; car on consent à en donner d’autant plus, que celle-ci vaut davantage[1].

Parmi les choses qui peuvent être données en échange de celle qu’on veut acquérir, se trouve la monnaie. La quantité de monnaie que l’on consent à donner pour obtenir une chose, se nomme son prix ; c’est son prix courant dans un lieu donné, à une époque donnée, si le possesseur de la chose est assuré de pouvoir en obtenir ce prix-là, au cas qu’il veuille s’en défaire.

Or, la connaissance de la vraie nature des richesses ainsi désignées, des difficultés qu’il faut surmonter pour s’en procurer, de la marche qu’elles suivent en se distribuant dans la société, de l’usage qu’on en peut faire, ainsi que des conséquences qui résultent de ces faits divers, compose la science qu’on est maintenant convenu d’appeler l’économie politique.

  1. Je ne présente ici sur les richesses et la valeur des choses, que ce qui est indispensable pour mettre le lecteur en état de comprendre le phénomène de la production des richesses. Les autres traits qui achèvent de caractériser les richesses et les valeurs se montreront au lecteur à mesure qu’il avancera. Quelques écrivains anglais en ont pris occasion d’attaquer mes définitions comme vagues et incomplètes ; mais j’aime mieux m’exposer à cette accusation que de présenter des définitions qui, pour embrasser tous les caractères de la chose définie, rempliraient plusieurs pages et n’offriraient que des abstractions incompréhensibles, jusqu’à ce qu’elles fussent justifiées par des faits qui ne peuvent se développer que subséquemment. Il me suffit que les caractères que j’assigne ici soient les plus saillans, et que, loin d’être effacés, ils se trouvent confirmés par tout ce qui doit suivre. Au Surplus, pour avoir des définitions plus complètes, voyez l’Épitome qui termine cet ouvrage. Là tout peut être compris, parce que, parvenu là, le lecteur a vu sur quoi se fondent les caractères de chaque chose. Relativement aux différentes sortes de richesses et aux questions délicates qui s’élèvent au sujet de la valeur absolue et de la valeur relative des choses, voyez les quatre premiers chapitres du livre II de cet ouvrage.