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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

gouvernemens de ne pas rejeter le fardeau de leurs dettes sur le peuple, et ils doivent toujours craindre que le peuple ne se lasse de supporter des charges qui ne sont pas accompagnées d’avantages proportionnés. Si nous, génération présente, avons, du moins par notre silence, consenti à grever les revenus de nos neveux, nos neveux ne jugeront-ils pas convenable de secouer ce fardeau, s’ils viennent à s’apercevoir qu’il n’a servi en rien à leur bonheur, ni à leur gloire ? L’avenir peut se croire fondé à demander des comptes au présent. Les représentans futurs d’une nation reprocheront peut-être à leurs prédécesseurs de ne l’avoir pas bien représentée. Combien d’emprunts ne pourront-ils pas imputer à des votes corrompus, à une fausse politique, un orgueil national mal entendu, à des systèmes surannés ? Enfin, nos neveux peuvent se trouver dans des circonstances fâcheuses, et ne prendre conseil que de leurs embarras et de leur pouvoir.

On a cru prévenir ces extrémités par des caisses d’amortissement. Elles offriraient un moyen d’éteindre et de rembourser les emprunts non remboursables, si l’on respectait invariablement l’objet de leur institution. Voici ce qu’il y a de fondamental dans leurs opérations.

Si l’état emprunte cent millions à cinq pour cent, il faut qu’il se procure toutes les années une portion du revenu national égale à cinq millions pour acquitter les intérêts de cet emprunt. Il établit ordinairement un impôt dont le produit s’élève à cette somme chaque année.

Si l’état porte l’impôt à une somme un peu plus forte, à celle de 5 millions 462,400 francs, par exemple ; s’il charge une caisse particulière d’employer les 462,400 francs d’excédant, à racheter chaque année, sur la place, une somme pareille de ses engagemens ; si cette caisse emploie au rachat, non-seulement le fonds annuel qui lui est affecté, mais de plus les arrérages des rentes dont elle a racheté le titre, au bout de cinquante ans elle aura racheté le principal tout entier de l’emprunt de cent millions.

Telle est l’opération qu’exécute une caisse d’amortissement.

L’effet qui en résulte est dû à la puissance de l’intérêt composé, c’est-à-dire, d’un intérêt qu’on accumule chaque année pour l’ajouter à son principal, et qui lui-même porte ainsi intérêt pour toutes les années suivantes.

On voit que, moyennant un sacrifice annuel égal, tout au plus, au dixième de l’intérêt, on peut, avant cinquante années, racheter une rente de cinq pour cent. Cependant, comme la vente des contrats de rente est libre, si les possesseurs des contrats ne veulent pas s’en dessaisir au pair,