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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

C’est ainsi que les capitaux amassés par l’industrie et l’économie des particuliers dans tous les coins du monde, sont pompés par les traitans et livrés aux puissances ; c’est ainsi que des puissances qui n’avaient aucun crédit, ont pu cependant emprunter à des conditions que n’obtiennent pas toujours les particuliers les plus solvables : le roi de Naples à 94, en reconnaissant au prêteur un capital de 100 ; la Russie à 95 1/2 ; l’Autriche à 96 ; la Prusse à 99 1/2[1].

Il faut bien, dira-t-on, que l’état ait du crédit pour résister à une agression injuste, pour affermir son indépendance. ― Ce serait fort désirable assurément ; mais c’est précisément dans les occasions où les états ont besoin d’affermir leur indépendance ou d’asseoir leurs institutions, qu’ils peuvent le moins compter sur les traitans. Dans les querelles qu’on suscite aux nations, la cause la plus juste est, en général, la plus faible. Quiconque n’a pas pour soi la force est obligé d’avoir la raison. Ce n’est point cette cause qui sourit aux hommes uniquement animés d’intérêts pécuniaires ; ils se rangent du parti qui paie le mieux ; or, c’est celui qui dispose des forces matérielles de la société. Ils n’examinent point si un gouvernement respecte ou non les droits de l’humanité, s’il agit dans un sens opposé aux lumières acquises, s’il cherche à replonger les nations dans l’ignorance, la superstition et les désordres qui signalent, sans exception, les siècles précédens ; mais ils examinent si ce gouvernement a des législateurs complaisans pour donner un vernis légitime à l’impôt, et des soldats bien disciplinés pour le faire payer.

  1. Voyez le cours des effets publics aux bourses de Londres et de Paris, au mois de juin 1824.