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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

sous des prétextes très-plausibles, presque toutes les professions, jusqu’à celles de charbonnier et de crocheteur.

Les anticipations sont une autre espèce d’emprunt. Par anticipations, on entend la vente que fait un gouvernement, moyennant un sacrifice, de revenus qui ne sont pas encore exigibles ; des traitans en font l’avance, et retiennent un intérêt proportionné aux risques que la nature du gouvernement ou l’incertitude de ses ressources leur font courir.

Les engagemens que le gouvernement contracte de cette manière, et qui sont acquittés, soit par les receveurs des contributions, soit par de nouveaux billets fournis par le trésor public, forment ce qu’on nomme d’après une expression anglaise un peu barbare, la dette flottante. Quant à la dette consolidée, c’est cette partie dont la rente seule est reconnue par la législature, et dont le fonds n’est pas exigible.

Toute espèce d’emprunt public a l’inconvénient d’enlever aux usages productifs des capitaux, ou des portions de capitaux, pour les dévouer à la consommation ; et de plus, quand ils ont lieu dans un pays dont le gouvernement inspire peu de confiance, ils ont l’inconvénient de faire monter l’intérêt des capitaux. L’agriculture, les fabriques et le commerce trouvent plus difficilement des capitaux à emprunter, lorsque l’état offre constamment un placement facile et souvent un intérêt élevé. Pour obtenir la préférence sur un concurrent si redoutable, l’industrie est obligée à des frais de production plus considérables, qui diminuent la consommation en renchérissant les profits.

Le grand avantage qui résulte pour une nation de la faculté d’emprunter, c’est de pouvoir répartir sur un grand nombre d’années, les charges que réclament les besoins d’un moment. Les gouvernemens élèvent en général leurs dépenses ordinaires au niveau des contributions qu’on peut tirer des peuples ; et ils sont obligés d’avoir recours à la ressource extraordinaire des emprunts, pour subvenir aux dépenses extraordinaires de la guerre. L’emprunt met à leur disposition un capital à dépenser chaque année, sans les obliger à demander au contribuable au-delà de l’intérêt de ce même capital. Ils repoussent sur l’avenir une partie des exigences du présent ; ce qui les a rendus un peu faciles à reconnaître ces exigences.

De même qu’à l’impôt, on a voulu trouver à l’emprunt, indépendamment des ressources qu’il présente pour satisfaire aux besoins de l’état, des avantages provenant de sa nature ; on a dit que les contrats ou les titres de créance qui composent la dette publique, deviennent dans l’état de véritables valeurs, et que les capitaux représentés par ces contrats, sont