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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

stances des deux terrains, ils auraient continué à être cultivés l’un et l’autre.

Si je me suis un peu étendu sur quelques impôts en particulier, c’est parce qu’ils se lient à des principes généraux. Ces principes ne sont point fondés sur de vaines théories, mais sur l’observation et la nature des choses. C’est faute de les comprendre qu’on commet d’importantes erreurs dans la pratique, comme l’assemblée constituante qui porta beaucoup trop loin les contributions directes, et surtout la contribution foncière, en vertu de ce principe des économistes dont elle eut les oreilles rebattues, que toute richesse venant de la terre, tous les impôts retombaient sur elle avec d’autant plus de surcharge, que les cascades étaient plus multipliés.

Dans l’état présent de l’économie politique, la théorie fondamentale de l’impôt doit au contraire, ce me semble, être exprimée ainsi :

L’impôt est une valeur fournie par la société, et qui ne lui est pas restituée par la consommation qu’on en fait.

Il coûte à la société non-seulement les valeurs qu’il fait entrer dans le trésor, mais les frais de perception et les services personnels qu’il exige, ainsi que la valeur des produits dont il empêche la création.

Le sacrifice, volontaire ou forcé, résultant de l’impôt, affecte le contribuable en sa qualité de producteur, lorsqu’il altère ses profits, c’est-à-dire ses revenus ; et il l’affecte en sa qualité de consommateur, lorsqu’il augmente ses dépenses en renchérissant les produits.

Dans le plus grand nombre des cas, le contribuable est affecté par l’impôt, en ses deux qualités à la fois de producteur et de consommateur ; et lorsqu’il ne peut suffire avec son revenu, à payer, tout à la fois, sa propre consommation et les charges de l’état, il entame ses capitaux. Quand les valeurs capitales, ainsi entamées par les uns, ne sont pas balancées au moyen des valeurs épargnées par les autres, la richesse sociale va en déclinant[1].

Celui qui paie au collecteur le montant de l’impôt n’est pas toujours le vrai contribuable, du moins pour la totalité de la valeur payée. Souvent il ne fait qu’avancer, sinon en totalité, au moins pour une partie, l’impôt qui lui est alors remboursé par d’autres classes de la société d’une manière très-compliquée, et souvent à la suite de plusieurs opérations ; tellement que bien des gens paient des portions de contributions au moment

  1. Voyez, à la suite de cet ouvrage, l’Épitome, aux mots Revenus et Richesses.