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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE X.

Sans doute ce serait un grand encouragement donné aux manufactures et au commerce ; mais serait-il équitable ? Leurs progrès ne pourraient-ils avoir lieu qu’à ce prix ? En Angleterre même, l’industrie manufacturière et commerciale n’a-t-elle pas, depuis la même époque, fait des pas plus rapides encore, sans jouir de cette injuste faveur ?

Un propriétaire, par ses soins, son économie, son intelligence, augmente son revenu annuel de cinq mille francs. Si l’état lui demande un cinquième de cette augmentation de revenu, ne lui reste-t-il pas quatre mille francs d’augmentation pour lui servir d’encouragement ?

On peut prévoir telles circonstances où la fixité de l’impôt, ne se proportionnant pas aux facultés des contribuables et aux circonstances du sol, produirait autant de mal qu’il a fait de bien dans d’autres cas : il forcerait à abandonner la culture des terrains qui, soit par une cause, soit par une autre, ne pourraient plus fournir le même revenu. On en a vu l’exemple en Toscane. On y fit, en 1496, un recensement ou cadastre, dans lequel on évalua peu les plaines et les vallons, où les inondations fréquentes et les ravages des torrens ne permettaient aucune culture profitable ; les coteaux, qui étaient seuls cultivés, y furent évalués fort haut : des alluvions ont eu lieu ; les inondations, les torrens ont été contenus, et les plaines fertilisées ; leurs produits, peu chargés d’impôts, ont pu être donnés à meilleur marché que ceux des coteaux ; ceux-ci, ne pouvant soutenir la concurrence, parce que l’impôt y est resté le même, sont devenus presque incultes et déserts[1]. Si l’impôt s’était prêté aux circon-

  1. Forbonnais, Principes et Observations, etc. t. II, page 247.