Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/528

Cette page a été validée par deux contributeurs.
527
DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

porte donc en partie sur ceux des consommateurs qui persistent à consommer, malgré le renchérissement ; et en partie sur les producteurs, qui ont fait une moins grande quantité du produit, et qui, l’impôt déduit, se trouvent l’avoir donné à plus bas prix, en raison d’une demande moins vive. Le trésor public profite de ce que le consommateur paie de plus, et du sacrifice que le producteur est obligé de faire d’une partie de ses profits. C’est l’effort de la poudre qui agit à la fois sur le boulet qu’elle chasse, et sur le canon qu’elle fait reculer.

Quand on met un droit sur les draps comme objet de consommation, la consommation des laines diminue, et l’agriculteur qui élève les moutons, en voit son revenu affecté. Il peut se livrer à un autre genre de culture, dira-t-on ; mais il faut supposer que, dans la situation et par la nature de son terrain, l’éducation des bêtes à laine était la culture qui lui rapportait le plus, puisqu’il l’avait préférée ; un changement de culture est donc pour lui une diminution de revenu : ce qui n’empêche point, au reste, que le manufacturier de draps, et le capitaliste dont les fonds sont engagés dans son entreprise, ne supportent leur part du même impôt.

Chaque producteur ne supporte une part de l’impôt sur les consommations, qu’en proportion de la part qu’il prend à la production de la chose imposée. Si le propriétaire foncier fournit la majeure parte de la valeur du produit, comme lorsque les produits peuvent être consommés sans beaucoup de préparation, alors il supporte presque entière cette part de l’impôt qui tombe sur les producteurs. Qu’on mette un droit d’entrée aux villes sur les vins, les cultivateurs de vignobles en souffriront beaucoup. Qu’on mette un droit, même très-fort, sur la vente des dentelles, les cultivateurs qui fournissent le lin s’en apercevront à peine. Mais, à leur tour, les producteurs, entre les mains de qui cette marchandise acquiert sa principale valeur, entrepreneurs, ouvriers et marchands, en seront violemment affectés.

Quand la valeur a été donnée partie par des producteurs étrangers, partie par des producteurs nationaux, ceux-ci supportent presque tout le fardeau de l’impôt. Si l’on impose chez nous les cotonnades, la demande de ces produits devenant moins forte, les services productifs de nos fabricans seront moins payés ; ils porteront une part de cet impôt : mais les services productifs de ceux qui cultivent le coton en Amérique, ne seront pas payés sensiblement moins, s’il n’y a pas d’autres raisons que celle-là. En effet, cet impôt, qui altère peut-être la consommation de la France en coton d’un dixième, ne diminuera les ventes de l’Amérique