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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE X.

le prix, le consommateur de cette marchandise paie une partie de l’impôt. Si la marchandise ne renchérit pas, l’impôt est payé par les producteurs. Si, sans que la marchandise hausse de prix, sa qualité est altérée, l’impôt est supporté, du moins en partie, par le consommateur ; car une qualité inférieure qui se vend aussi cher, équivaut à une qualité égale qui se vend plus cher.

Tout renchérissement d’un produit diminue nécessairement le nombre de ceux qui sont à portée de se le procurer, ou du moins la consommation qu’ils en font[1]. Lorsque le sel vaut trois sous la livre, il s’en consomme beaucoup moins que lorsqu’il ne vaut qu’un sou. Or, la demande de ce produit devenant moins grande relativement aux moyens de production, les services productifs en ce genre sont moins bien payés, c’est-à-dire, que l’entrepreneur des salines, par exemple, et par suite ses agens, ses ouvriers, et même le capitaliste qui lui prête des fonds, le propriétaire qui lui loue un local, éprouvant une diminution dans la demande de leur produit ne peuvent obtenir des profits aussi grands[2]. Les producteurs cherchent bien à se faire rembourser le montant du droit, mas ils n’y réussissent jamais complètement ; car la valeur intrinsèque de la marchandise, celle qui paie ses frais de production, baisse ; aussi remarque-t-on qu’un impôt quelconque mis sur un produit, n’en élève pas le prix total de tout le montant de l’impôt. Il faudrait pour cela que la demande totale restât la même ; ce qui est impossible. L’impôt, dans ce cas,

  1. Voyez liv. II, chap. 1.
  2. Cette assertion, que les intérêts du capitaliste, le loyer du propriétaire baissent, peut paraitre étrange, sans en être moins vraie. On dira qu’un capitaliste qui prête des fonds à un manufacturier, un propriétaire qui lui loue son terrain, ne diminuent pas leurs prétentions quand un impôt vient enlever une part des valeurs produites dans la manufacture ; mais compte-t-on ce qui, dans ce cas-là, se perd en retards de paiemens, de la part de l’entrepreneur ; en indemnités qu’il faut accorder ; en faillites, en procès ? Ces pertes retombent toujours, au moins en partie, sur la classe des propriétaires et des capitalistes, qui souvent ne se doutent pas de ce qui est pourtant vrai : c’est qu’ils acquittent par là une portion des impôts. Dans une machine sociale un peu compliquée, l’impôt s’acquitte sous bien des formes inaperçues.

    Cela montre le danger des principes trop absolus, et combien on risque de s’égarer lorsqu’à l’imitation des Économistes du dix-huitième siècle, et de quelques écrivains anglais récens, on abandonne la méthode expérimentale de Smith., pour faire de l’économie politique abstractivement et à priori.