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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE X.

payer la protection du gouvernement, laquelle touche peu ; on croit payer le prix de la denrée qu’on désire beaucoup, quoique ce prix soit indépendant de l’impôt. L’attrait de la consommation s’étend jusqu’à l’acquittement de la dette, et l’on paie volontiers une valeur dont le sacrifice est suivi d’une jouissance.

C’est ce qui a fait considérer cet impôt comme volontaire. Les États-Unis, avant leur indépendance, le regardaient tellement comme volontaire, que, tout en refusant au parlement britannique le droit de les imposer sans leur consentement, ils lui reconnaissaient pourtant celui de mettre des droits sur les consommations, chacun ayant la faculté de s’y soustraire en s’abstenant de la marchandise imposée[1]. Il n’en est pas ainsi de l’impôt sur les personnes ; il ressemble à une spoliation.

L’impôt indirect se perçoit par petites portions, insensiblement, à mesure que le contribuable a les moyens de l’acquitter. Il n’entraîne point d’embarras de répartition entre les provinces, entre les arrondissemens, entre les particuliers. Il ne met point les intérêts divers en présence ; ce que l’un évite de payer n’est point une charge pour l’autre. Point d’inimitiés entre habitans de la même ville, point de réclamations, point de contraintes.

Le même impôt permet au législateur de mettre un choix dans les consommations qu’il impose ; de ménager celles qui sont favorables à la prospérité de la société, comme toutes les consommations reproductives, pour frapper celles qui ne sont favorables qu’à son appauvrissement, comme toutes les consommations stériles ; celles qui procurent à grands frais au riche un plaisir insipide ou immoral, pour ménager celles qui font vivre à peu de frais les familles laborieuses.

On a objecté contre les impôts indirects les frais de perception qu’ils entraînent ; ils exigent de nombreux bureaux, des commis, des employés, des gardes ; mais il faut observer qu’une grande partie de ces frais ne sont pas une suite nécessaire de l’impôt, et peuvent être prévenus par une bonne administration. L’accise et le timbre, en Angleterre, ne coûtaient plus que 3 1/4 pour cent de frais de perception en 1799[2]. Il n’y a pas d’impôt direct en France qui ne coûte bien davantage.

  1. Voyez l’interrogatoire subi, en 1766, par Franklin, à la barre de la chambre des communes.
  2. Garnier, traduction de Smith, tome IV, p. 458. Suivant Arthur Young, l’impôt du timbre qui rapporte au fisc 1 million 330,000 livres sterling, ne coûte à recouvrer que 3,691 livres sterling. Ce n’est pas un demi pour cent.