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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

De même les frais de perception, sous quelque forme qu’ils soient présentés, sont toujours une addition à la contribution, quoique l’autorité n’en fasse pas son profit ; et lorsque le contribuable est obligé de perdre du temps ou de transporter des marchandises pour s’acquitter, sa contribution est plus forte de toute la valeur du temps qu’il perd et des transports qu’il exécute.

On doit encore comprendre dans les contributions qu’un gouvernement impose au peuple qu’il régit, toutes les dépenses que ses opérations font nécessairement retomber sur lui. Ainsi, quand il fait la guerre, le fardeau qu’il impose à la nation s’accroît de la valeur de l’équipement et de l’argent de poche dont se fournissent les militaires, ou que leur famille fournit pour eux ; il s’accroît de la valeur du temps perdu par les milices ; il s’accroît des sommes payées pour les exemptions et les remplacemens ; il s’accroît du montant des frais de logement des gens de guerre, ainsi que des ravages et des spoliations dont ils se rendent coupables ; il s’accroît des secours et des traitemens qu’ils obtiennent de leurs parens ou de leurs compatriotes à leur retour ; il s’accroît même des aumônes que la misère, enfantée par un mauvais régime, arrache à la compassion ou à la piété. En effet, aucune de ces valeurs n’aurait été ôtée aux citoyens ou sujets, sous un régime différent. Ces valeurs ne sont pas entrées dans le trésor du prince, mais les peuples les ont payées, et leur montant a été aussi complètement perdu, que si elles avaient contribué au bonheur de l’espèce.

On peut ranger sous deux chefs principaux les différentes manières qu’on emploie pour atteindre les revenus des contribuables. Ou bien on leur demande directement une portion du revenu qu’on leur suppose : c’est l’objet des contributions directes ; ou bien on leur fait payer une somme quelconque sur certaines consommations qu’ils font avec leur revenu : c’est l’objet de ce qu’on nomme en France les contributions indirectes.

Mais, soit dans un cas, soit dans l’autre, la chose évaluée, qui sert de base à la contribution demandée, n’est pas en réalité la matière imposable ; ce n’est pas nécessairement cette valeur dont on lève une partie ; elle n’est qu’un moyen, plus ou moins imparfait, de connaître un revenu qu’on veut atteindre, lequel présente seul la vraie matière imposable. Et si l’on pouvait compter sur la bonne foi du contribuable, un seul moyen suffirait : ce serait de lui demander quels sont ses profits annuels, quel est son revenu. Il ne faudrait point d’autre base pour la fixation de son contingent ; il n’y aurait qu’un seul impôt, et jamais impôt n’aurait été plus