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PRÉLIMINAIRE.

moins atteindre un degré de prospérité satisfesant, en les violant à plusieurs égards. L’action puissante de la force vitale fait grandir et prospérer le corps humain, malgré les excès de jeunesse, les accidens, les blessures même qu’on lui fait subir. Il n’y a point dans la pratique de perfection absolue hors de laquelle tout soit mal et ne produise que du mal ; le mal est partout mélangé avec le bien. Quand le premier l’emporte, on décline ; quand c’est le bien, on fait des pas plus ou moins rapides vers la prospérité, et rien ne doit décourager dans les efforts qu’on tente pour connaître et propager les bons principes. Le plus petit pas qu’on fait vers eux, est déjà un bien et porte d’heureux fruits.

On doit se décourager d’autant moins, qu’en économie politique, comme en tout, ce sont les connaissances élémentaires qui servent le plus dans la pratique. C’est la théorie de la chaleur, celle du levier, celle du plan incliné, qui ont mis la nature entière à la disposition de l’homme. C’est celle des échanges et des débouchés qui changera la politique du monde. Nous devons donc faire en sorte de répandre les notions avérées plutôt que de poursuivre leurs dernières conséquences, et chercher à étendre la base des sciences plutôt qu’à en élever le faîte. Mais que cette tâche est grande encore, et que les nations qu’on dit civilisées sont encore ignorantes et barbares ! Parcourez des provinces entières de cette Europe si vaine de son savoir ; questionnez cent personnes, mille, dix mille : à peine sur ce nombre en trouverez-vous deux, une peut-être, qui ait quelque teinture de ces connaissances si relevées dont le siècle se glorifie. On n’en ignore pas seulement les hautes vérités, ce qui n’aurait rien d’étonnant ; mais les élémens les plus simples, les plus applicables à la position de chacun. Quoi de plus rare même que les qualités nécessaires pour s’instruire ! Qu’il est peu de gens capables seulement d’observer ce qu’ils voient tous les