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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

de ceux qui sont déjà voués à la production. Selon une expression ingénieuse de M. de Sismondi, ils ressemblent à une dixme qu’on lèverait sur les semences au lieu de la lever sur la moisson. Tel est un impôt sur les successions. Un héritier qui entre en possession d’un héritage de cent mille francs, s’il est obligé de payer au fisc cinq pour cent, ne les prendra pas sur son revenu ordinaire, qui est déjà grevé de l’impôt ordinaire, mais bien sur l’héritage qui sera réduit pour lui à 95,000 francs. Or, la fortune du défunt, qui précédemment était placée pour 100,000 fr, ne l’étant plus que pour 95,000, par son successeur, le capital de la nation est diminué des 5,000 francs perçus par le fisc.

Il en est de même de tous les droits de mutation. Un propriétaire vend une terre de cent mille francs ; si l’acquéreur est tenu de payer un droit de cinq pour cent, il ne donnera au vendeur que 95,000 francs de cette propriété. Le vendeur n’aura que cette somme à placer au lieu de cent mille francs que valait la terre : la masse du capital de la société est donc diminuée de cinq mille francs.

Si l’acquéreur calcule assez mal pour payer, outre l’impôt, la terre selon son entière valeur, il fait le sacrifice d’un capital de 105,000 francs pour acquérir une valeur de 100,000 ; la perte de cette portion du capital est toujours la même pour la société, mais c’est alors lui qui la supporte.

Les impôts sur les mutations, outre l’inconvénient d’être assis sur les capitaux, ont encore l’inconvénient de mettre obstacle à la circulation des propriétés. On demandera peut-être quel intérêt a la société à ne pas gêner la circulation des propriétés ; que lui importe que telle propriété se trouve entre les mains d’une personne ou d’une autre, pourvu que la propriété subsiste ? — Il lui importe toujours que les propriétés aillent le plus facilement qu’il est possible où elles veulent aller, car c’est là qu’elles rapportent le plus. Pourquoi cet homme veut-il vendre sa terre ? C’est parce qu’il a en vue l’établissement d’une industrie dans laquelle ses fonds lui rapporteront davantage. Pourquoi cet autre veut-il acheter la même terre ? C’est pour placer des fonds qui lui rapportent trop peu, ou qui sont oisifs, ou bien parce qu’il croit la terre susceptible d’amélioration. La transmutation augmente le revenu général, puisqu’elle augmente le revenu des deux contractans. Si les frais sont assez considérables pour empêcher l’affaire de se terminer, ils sont un obstacle à cet accroissement du revenu de la société.

Ces impôts, qui détruisent une partie des moyens de production de la société, qui par conséquent privent d’ouvrage et de profits une partie des