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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

l’écrivain honnête homme est heureux de pouvoir prouver que la modération n’est pas une duperie.

Poursuivant notre marche, nous déduirons des mêmes principes que les impôts, quels qu’ils soient, qui ont le moins d’inconvéniens, sont :

2o Ceux qui entraînent le moins de ces charges qui pèsent sur le contribuable sans profiter au trésor public.

Plusieurs personnes ne regardent pas les frais de recouvrement comme un grand mal, parce qu’elles les croient reversés dans la société sous une autre forme. On ne peut que les renvoyer à ce qui a été dit plus haut (ch. 6, § 1er). Les frais ne sont pas plus reversés que le principal des contributions, parce que l’un comme l’autre ne consistent pas dans le numéraire qui acquitte la contribution, mais dans la valeur fournie par le contribuable et détruite par le gouvernement ou ses agens.

Les besoins des princes, plus encore que l’amour des peuples, ont forcé depuis deux siècles la plupart des états de l’Europe à mettre dans leurs finances bien plus d’ordre qu’auparavant. Comme on fait supporter aux peuples à peu près tout le fardeau qu’ils peuvent porter sans se fâcher, toutes les économies faites sur les frais de recouvrement ont été un gain, non pour la nation, mais pour le fisc.

On voit dans les mémoires de Sully[1] que, pour 30 millions que fesaient entrer au trésor royal les contributions en 1598, il sortait de la bourse des particuliers 150 millions. « La chose paraissait incroyable, ajoute Sully ; mais, à force de travail, j’en assurai la vérité. » sous le ministère de Necker, les frais de recouvrement, sur 557 millions 500,000 livres, ne se montaient plus qu’à 58 millions. La France employait encore, sous ce ministère, 250,000 personnes pour le recouvrement des impositions ; mais la plupart avaient en même temps d’autres occupations. Ces frais étaient, comme on voit, de 10 4/5 pour cent environ, et excédaient encore de beaucoup ceux qu’occasionne le recouvrement des impôts en Angleterre[2].

  1. Liv. XX.
  2. Sous Bonaparte, qui, dans cette partie comme dans presque toutes les autres, a fait rétrograder la marche de la civilisation, les frais de perception (dans lesquels il faut comprendre les frais de contrainte et les fonds de non-valeurs) étaient redevenus bien plus considérables ; mais on ne connaît pas encore positivement l’étendue du mal qu’il a fait.