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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

deniers publics soit précisément un bien, prouvent, par des chiffres, que les peuples ne sont point chargés, et qu’ils peuvent payer des contributions fort supérieures à celles qui leur sont imposées. « Il est, dit Sully dans ses Mémoires[1], il est une espèce de flatteurs donneurs d’avis, qui cherchent à faire leur cour au prince, en lui fournissant sans cesse de nouvelles idées pour lui rendre de l’argent ; gens autrefois en place pour la plupart, à qui il ne reste de la situation brillante où ils se sont vus, que la malheureuse science de sucer le sang des peuples, dans laquelle ils cherchent à instruire le roi pour leur intérêt. »

D’autres apportent des plans de finance, et proposent des moyens de remplir les coffres du prince, sans charger les sujets. Mais, à moins qu’un plan de finance ne soit un projet d’entreprise industrielle, il ne peut donner au gouvernement que ce qu’il ôte au particulier, ou ce qu’il ôte au gouvernement lui-même sous une autre forme. On ne fait jamais d’un coup de baguette quelque chose de rien. De quelque déguisement qu’on enveloppe une opération, quelques détours qu’on fasse prendre aux valeurs, quelques métamorphoses qu’on leur fasse subir, on n’a une valeur qu’en la créant ou en la prenant. Le meilleur de tous les plans de finance est de dépenser peu, et le meilleur de tous les impôts est le plus petit.

Si l’impôt est une portion des propriétés particulières[2], levée pour le service du public ; si l’impôt est une valeur qui ne se reverse pas dans la société après lui avoir été ravie ; si l’impôt n’est point un moyen de reproduction, nous pourrons conclure que les meilleurs impôts, ou plutôt les moins mauvais sont :

1o Les plus modérés quant à leur quotité ;

2o Ceux qui entraînent le moins de ces charges qui pèsent sur le contribuable sans profiter au trésor public ;

3o Ceux dont le fardeau se répartit équitablement ;

4o Ceux qui nuisent le moins à la reproduction ;

  1. Liv. XX.
  2. Il ne m’a pas semblé nécessaire de combattre l’opinion que beaucoup de princes, qui ne sont pas de notre siècle, se sont formée des propriétés des peuples. Louis XIV écrivait en propres termes à son fils, pour son instruction : « Les rois sont seigneurs absolus, et ont naturellement la disposition pleine et libre de tous les biens qui sont possédés aussi bien par les gens d’église que par les séculiers, pour en user en tout temps comme de sages économes et suivant le besoin général de leur état. » Œuvres de Louis XIV, Mémoires historiques, année 1666.