Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/506

Cette page a été validée par deux contributeurs.
505
DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

jouissances, et procurent, à somme égale, un encouragement tout pareil aux producteurs[1].

Les dépenses improductives du gouvernement, bien loin d’être favorables à la production, lui sont prodigieusement préjudiciables. Les impôts sont une addition aux frais de production ; ils ont un effet opposé aux progrès de l’industrie, qui, lui permettant de produire à moins de frais, favorisent à la fois la production et la consommation. L’impôt, en élevant le prix des produits, réduit la consommation qu’on peut en faire, et par conséquent la demande des consommateurs.

On a dit que la demande est la même, soit qu’elle ait pour organes les contribuables ou les agens du gouvernement ; que lorsqu’on diminue de cent millions les revenus des premiers, on augmente de la même somme les revenus des seconds, et que rien n’est changé par conséquent à la somme des consommations. Mais en accordant que la somme des revenus ne soit pas altérée par l’impôt, la cherté des produits est augmentée ; car les frais de production le sont. Or, la même somme de revenus ne peut plus acheter la même quantité de produits. Les consommateurs, quelle que soit la source de leur revenu, n’en ont plus autant du moment que les produits sont plus chers.

Dira-t-on que la nécessité de payer l’impôt oblige la classe industrieuse à un redoublement d’efforts, d’où résulte un accroissement de production ? Mais, en premier lieu, les efforts ne suffisent pas pour produire ; il faut encore des capitaux, et l’impôt est ce qui rend difficile l’épargne dont se forment les capitaux. En second lieu, ce que l’on produit pour satisfaire le collecteur n’augmente pas la richesse nationale, puisque le produit des impôts se dépense improductivement.

Le seul point de vue sous lequel l’impôt peut sembler favorable à la production, est celui-ci : en augmentant les frais de production d’un côté, il oblige les producteurs à s’ingénier pour les diminuer d’un autre côté par des procédés plus efficaces et plus expéditifs. On attribue aux lourds impôts de l’Angleterre les procédés utiles dont elle a enrichi les arts. Mais qu’est-ce que l’Angleterre y a gagné, si elle ne paie pas moins cher les objets de sa consommation[2].

  1. Les principes établis dans cet ouvrage étaient publiés long-temps avant l’ouvrage de Malthus, qui est de 1820.
  2. Il est très-vrai que s’il survenait des réformes importantes dans la représentation nationale, les progrès industriels resteraient à l’Angleterre, et elle serait soulagée successivement des abus qui les rendent nuls pour la nation.