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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE IX.

ses agens, elle est perdue pour tout le monde, et ne se reverse point dans la société. C’est ce qui a été prouvé, je pense, lorsqu’il a été question des effets généraux des consommations publiques. C’est là qu’on a vu que l’argent des contributions a beau être reversé dans la société, la valeur de ces contributions n’y est pas reversée, parce qu’elle n’est pas rendue gratuitement à la société, et que les agens du gouvernement ne lui restituent pas l’argent des contributions sans recevoir d’elle une valeur égale en échange.

Par les mêmes raisons qui nous ont démontré que la consommation improductive n’est en rien favorable à la reproduction, la levée des impositions ne saurait lui être favorable. Elle ravit au producteur un produit dont il aurait retiré une jouissance, s’il l’eût consommé improductivement ; ou un profit, s’il l’eût consacré à un emploi utile. Dans les deux cas, lever un impôt, c’est faire un tort à la société, tort qui n’est balancé par aucun avantage toutes les fois qu’on ne lui rend aucun service en échange.

Il est très-vrai que la jouissance ravie au contribuable, est remplacée par celle des familles qui font leur profit de l’impôt ; mais, outre que c’est une injustice que de ravir au producteur le fruit de sa production, lorsqu’on ne lui donne rien en retour, c’est une distribution de la richesse produite beaucoup moins favorable à sa multiplication, que lorsque le producteur lui-même peut l’appliquer à ses propres consommations. On est plus excité à développer ses forces et ses moyens lorsqu’on doit en recueillir le fruit, que lorsqu’on travaille pour autrui.

Les valeurs levées sur les contribuables sont, en général, dépensées d’une manière improductive, et beaucoup de personnes pensent que cette consommation est très-favorable à la production et aux producteurs, parce qu’elle détruit des produits et ne les remplace pas. Malthus pense que les producteurs ont un tel penchant pour épargner et pour accroître leurs capitaux, qu’ils produiraient trop si on les laissait faire et ne trouveraient pas assez de débouchés pour leurs produits[1]. Malthus ne voit d’encouragement pour les producteurs que dans les consommations improductives, et par conséquent dans les consommations de la nature de celles qui suivent la levée de l’impôt. Il méconnaît une vérité établie dans cet ouvrage, d’où il résulte que les épargnes ajoutées aux capitaux productifs, sont consommées aussi bien que les produits qui servent à nos

  1. Principles of political Economy, ch. 7.