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PRÉLIMINAIRE.

liorer leurs terres à propos, balancer avec connaissance de cause les avances certaines avec les produits présumés ; pour connaître les besoins généraux de la société, et faire choix d’un état ; pour discerner les symptômes de prospérité ou de déclin du corps social, etc., etc.

L’opinion que l’étude de l’économie politique ne convient qu’aux hommes d’état, toute fausse qu’elle est, a été cause que presque tous les auteurs, jusqu’à Smith, se sont imaginé que leur principale vocation était de donner des conseils à l’autorité ; et comme ils étaient loin d’être d’accord entre eux, que les faits, leur liaison et leurs conséquences, étaient fort imparfaitement connus par eux, et tout-à-fait méconnus du vulgaire, on a dû les regarder comme des rêveurs de bien public ; de là le dédain que les gens en place affectaient pour tout ce qui ressemblait à un principe.

Mais depuis que l’économie politique est devenue la simple exposition des lois qui président à l’économie des sociétés, les véritables hommes d’état ont compris que son étude ne pouvait leur être indifférente. On a été obligé de consulter cette science pour prévoir les suites d’une opération, comme on consulte les lois de la dynamique et de l’hydraulique, lorsqu’on veut construire avec succès un pont ou une écluse. Quand l’administration adopte de fausses mesures, elle est nécessairement versatile : il faut bien changer de route lorsqu’on rencontre des difficultés insurmontables qu’on n’a pas su prévoir.

C’est peut-être à cette cause qu’il faut attribuer les inconséquences qui ont travaillé la France depuis deux siècles ; c’est-à-dire depuis qu’elle s’est vue à portée d’atteindre le haut point de prospérité où l’appelaient son sol, sa position et le génie de ses habitans. Semblable à un navire voguant sans boussole et sans carte, selon le caprice des vents et la folie des pilotes, ne sachant d’où il part ni où il veut arriver, elle avançait au