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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VII.

qui le sont devenus par leur propre faute ou par les infirmités auxquelles la nature seule les a condamnés, l’humanité ne saurait perdre ses droits ; le seul spectacle de la souffrance est une douleur dont une nation civilisée cherche toujours à s’affranchir ; sa sûreté veut même qu’elle se mette à l’abri du danger auquel certaines maladies l’exposent, telles que l’aliénation mentale, les maladies contagieuses, etc. Aussi, indépendamment des secours nombreux donnés en tout pays par la bienfesance des particuliers, une sorte de bienfesance publique, et peut-être d’orgueil national, impose la loi de secourir certaines infortunes. Il faut craindre seulement que les hommes s’exposent d’autant plus aisément à être secourus que les secours sont plus à leur portée. En dépouillant leurs imprudences d’une partie des maux qui en sont la suite, on diminue en eux cette terreur salutaire qui contribue tant à les en préserver. Nous nous blesserions bien plus fréquemment, sans la douleur qui suit chaque blessure. Un judicieux publiciste a fait observer que de trop nombreux établissemens ouverts en Angleterre aux femmes en couche, aux filles repentantes, étant propres à diminuer les inconvéniens qui accompagnent les désordres des femmes, font naître plus de maux qu’ils n’en soulagent[1].

Le même inconvénient ne se rencontre pas dans les maisons où l’on offre du travail aux indigens qui en demandent volontairement, et celles où l’on enferme les vagabonds qui ne peuvent justifier d’aucun moyen d’existence. Ces maisons, qui ne sont pas de nature à multiplier le nombre des infortunés, offrent des soulagemens précieux dans une société nombreuse, où, au milieu d’une multitude d’occupations, il est impossible qu’il n’y en ait pas quelques-unes en souffrance. Un commerce qui change de cours, des procédés nouvellement introduits, des capitaux retirés des emplois productifs, des incendies et d’autres fléaux, peuvent laisser quelquefois sans ouvrage beaucoup d’ouvriers ; souvent, avec la meilleure conduite, un homme laborieux peut tomber au dernier degré du besoin. Il trouve dans une maison de travail, les moyens de gagner sa subsistance, si ce n’est précisément dans la profession qu’il a apprise, au moins dans quelque autre travail analogue.

  1. « Ces institutions, dit Charles Comte, rendent incertaines les peines répressives sans presque rien leur enlever de leur réalité. Elles agissent de la même manière que les loteries : elles donnent des espérances à tous ceux qui veulent courir quelque risque ; mais pour un individu qu’elles favorisent, elles causent la ruine d’une multitude. » Traité de Législation, liv. II, chap. 11.