Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/490

Cette page a été validée par deux contributeurs.
489
DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

Un encouragement qui n’a aucun danger et dont l’influence est bien puissante, est celui qu’on donne à la composition des bons ouvrages élémentaires[1]. L’honneur et le profit que procure un bon ouvrage de ce genre, ne paient pas le travail, les connaissances et les talens qu’il suppose ; c’est une duperie de servir le public par ce moyen, parce que la récompense naturelle qu’on en reçoit, n’est pas proportionnée au bien que le public en retire. Le besoin qu’on a de bons livres élémentaires ne sera donc jamais complétement satisfait, qu’autant qu’on fera, pour les avoir, des sacrifices extraordinaires, capables de tenter des hommes du premier mérite. Il ne faut charger personne spécialement d’un pareil travail : l’homme du plus grand talent peut n’avoir pas celui qui serait propre à cela. Il ne faut pas proposer des prix : ils sont accordés quelquefois à des productions imparfaites, parce qu’il ne s’en est point présenté de meilleures ; d’ailleurs l’encouragement du prix cesse dès qu’il est accordé. Mais il faut payer proportionnellement au mérite, et toujours généreusement, tout ce qui se fait de bon. Une bonne production n’en exclut pas alors une meilleure ; et avec le temps on a, dans chaque genre, ce qu’on peut avoir de mieux. Je remarquerai qu’on ne risque jamais beaucoup en mettant un grand prix aux bonnes productions : elles sont toujours rares ; et ce qui est une récompense magnifique pour un particulier, est un léger sacrifice pour une nation.

Tels sont les genres d’instruction favorables à la richesse nationale, et ceux qui pourraient déchoir si la société ne contribuait pas à leur entretien. Il y en a d’autres qui sont nécessaires à l’adoucissement des mœurs, et qui peuvent encore moins se soutenir sans son appui.

À une époque où les arts sont perfectionnés, et où la séparation des occupations est introduite jusque dans leurs moindres embranchemens, la plupart des ouvriers sont forcés de réduire toutes leurs actions et toutes leurs pensées à une ou deux opérations, ordinairement très-simple et constamment répétées ; nulle circonstance nouvelle, imprévue, ne s’offre

  1. Sous cette dénomination, je comprends les fondemens de toutes les connaissances, jusqu’aux instructions familières et détachées pour chaque profession ; des ouvrages où un chapelier, un fondeur, un potier, un teinturier, ou tout autre artisan, puissent, pour quelques sous, connaître les principes fondamentaux de leur art. Ce serait une communication perpétuellement ouverte entre le savant et l’artisan, où celui-ci s’éclairerait des connaissances théoriques du premier, et le premier des connaissances pratiques du second.