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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

rendus, il est impossible de les consommer de nouveau. Le juge qui a assisté à l’audience d’hier, peut assister à une audience aujourd’hui ; mais c’est une nouvelle vacation, qu’il faut payer sur nouveaux frais. Il faut considérer les talens d’un fonctionnaire public comme un fonds dont il vend au public les produits pendant un espace de temps déterminé ; le public consomme ces services pour son avantage, et le fonctionnaire consomme de son côté pour son entretien et celui de sa famille, les produits qu’il a reçus du public sous le nom de traitement.

Les biens communaux, les jardins publics, les grandes routes, et même les rivières et les mers, sont des fonds de terre productifs d’utilité ou d’agrément, dont le public consomme la rente. Lorsqu’il s’y trouve des valeurs capitales ajoutées, comme des édifices, des ponts, des ports, des chaussées, des digues, des canaux, alors le public consomme, outre le service ou la rente du fonds, le service ou l’intérêt d’un capital. De ces fonds, les uns sont un don gratuit de la nature, les autres sont le fruit d’accumulations que des gouvernemens sages ont réservées sur les contributions annuelles des nations.

Quelquefois le public possède des établissemens industriels productifs de produits matériels, comme en France la manufacture de porcelaine de Sèvres, celle de tapisseries des Gobelins, les salines de la Lorraine et du Jura, etc. Lorsque ces établissemens rapportent plus qu’ils ne coûtent, ce qui est fort rare, alors ils fournissent une partie des revenus de la société, loin de devoir passer pour être une de ses charges.


§ I. — Des Dépenses relatives à l’administration civile et judiciaire.


Les frais d’administration civile ou judiciaire consistent, soit dans le traitement des magistrats, soit dans la dépense de représentation qu’on suppose nécessaire pour l’accomplissement de leurs fonctions. Quand même la représentation, ou une partie de la représentation, est payée par le magistrat, elle n’en retombe pas moins à la charge du public, puisqu’il faut bien que dans ce cas le traitement du magistrat soit proportionné à la somptuosité qu’on exige de lui. Ceci s’applique à tous les fonctionnaires publics, depuis le prince jusqu’à l’huissier. Un peuple qui ne sait respecter son prince que lorsqu’il est entouré de faste, de dorures, de gardes, de chevaux, de tout ce qu’il y a de plus dispendieux, paie en conséquence. Il économise au contraire, quand il accorde son respect à la simplicité plutôt qu’à l’étalage, et quand il obéit aux lois sans appareil. C’est ce qui rendait singulièrement médiocres les frais du gouvernement dans plusieurs