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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE VI.

tent des draps et des vivres pour la troupe : il n’y a point encore de valeur consommée, ni perdue ; il y a une valeur livrée gratuitement par le redevable, et des échanges opérés. La valeur fournie existe encore sous la forme de vivres et d’étoffes dans les magasins de l’armée. Mais enfin cette valeur se consomme ; dès-lors cette portion de richesse, sortie des mains d’un contribuable, est anéantie, détruite.

Ce n’est point la somme d’argent qui est détruite : celle-ci a passé d’une main dans une autre, soit gratuitement, comme lorsqu’elle a passé du contribuable au percepteur ; soit par voie d’échange, lorsqu’elle a passé de l’administrateur au fournisseur auquel on a acheté les vivres ou le drap ; mais au travers de tous ces mouvemens, la valeur de l’argent s’est conservée ; et, après avoir passé dans une troisième main, dans une quatrième, dans une dixième, elle existe encore sans aucune altération sensible : c’est la valeur du drap et des vivres qui n’existe plus ; et ce résultat est précisément le même que si le contribuable, avec le même argent, eût acheté des vivres et du drap, et les eût consommés lui-même. Il n’y a d’autre différence, si ce n’est qu’il aurait joui de cette consommation, tandis que c’est l’état qui en a joui.

Il est facile d’appliquer le même raisonnement à tous les genres de consommations publiques. Quand l’argent du contribuable sert à acquitter le traitement d’un homme en place, ce fonctionnaire vend son temps, son talent et ses peines, qui sont consommés pour le service du public ; et il consomme à son tour, à la place du contribuable, la valeur qu’il a reçue en échange de ses services, comme aurait pu le faire un commis, un salarié quelconque, employé pour soigner les intérêts privés du contribuable.

On a cru, dans presque tous les temps, que les valeurs payées par la société pour les services publics, lui revenaient sous d’autres formes, et l’on s’est imaginé le prouver lorsqu’on a dit : ce que le gouvernement ou