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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

Que les riches quittent donc cette puérile crainte d’être moins bien servis, si le pauvre acquiert de l’aisance. L’expérience comme le raisonnement montre, au contraire, que c’est dans les pays les plus riches, les plus généralement riches, qu’on trouve plus facilement à satisfaire ses goûts les plus délicats.

CHAPITRE VI.

De la nature et des effets généraux des Consommations publiques.

Outre les besoins des particuliers et des familles, dont la satisfaction donne lieu aux consommations privées, la réunion des particuliers a, comme société, ses besoins aussi, qui donnent lieu aux consommations publiques : elle achète et consomme le service de l’administrateur qui soigne ses intérêts, du militaire qui la défend contre des agressions étrangères, du juge civil ou criminel qui protége chaque particulier contre les entreprises des autres. Tous ces différens services ont leur utilité ; et s’ils sont multipliés au-delà du besoin, s’ils sont payés au-delà de leur valeur, c’est par suite des vices de l’organisation politique, dont l’examen sort de notre sujet.

Nous verrons plus tard où la société trouve les valeurs dont elle achète, soit le service de ses agens, soit les denrées que réclament ses besoins. Nous ne considérons, dans ce chapitre, que la façon dont s’en opère la consommation et les résultats de cette consommation.

Si le commencement de ce troisième livre a été bien entendu, on concevra sans peine que les consommations publiques, celles qui se font pour l’utilité commune, sont précisément de même nature que celles qui s’opèrent pour la satisfaction des individus ou des familles. C’est toujours une destruction de valeurs, une perte de richesses, quand bien même il n’est pas sorti un seul écu de l’enceinte du pays.

Pour nous en convaincre encore mieux, suivons le trajet d’une valeur consommée pour l’utilité publique. Le gouvernement exige d’un contribuable le paiement en argent d’une contribution quelconque. Pour satisfaire le percepteur, ce contribuable échange contre de la monnaie d’argent les produits dont il peut disposer, et remet cette monnaie aux préposés du fisc[1] ; d’autres agens en achè-

  1. Qu’un capitaliste ou un propriétaire dont les revenus consistent dans l’intérêt d’un capital prêté, ou dans un fermage, dise : Je ne vends point de produits pour payer mes contributions ; je reçois mon revenu en argent ; on peut lui répondre que l’entrepreneur qui a fait valoir son capital ou sa terre, en a vendu pour lui les produits. L’effet est le même que si les personnes qui font valoir le capital ou la terre, en avaient payé le loyer en nature, c’est-à-dire, en leurs produits, et que le capitaliste ou le propriétaire eût contribué, soit en remettant au gouvernement une partie de ces produits en nature, soit en les vendant pour lui en remettre la valeur. Voyez liv. II, chap. 5, comment les revenus se distribuent dans la société.