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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE V.

sente leur ostentation comme une vertu, et leurs jouissances comme des bienfaits[1].

Mais les progrès de l’économie politique, en fesant connaître les véritables sources de la richesse, les moyens de la production, et les résultats de la consommation, feront tomber pour jamais ce prestige. La vanité pourra se glorifier de ses vaines dépenses ; elle sera le mépris du sage à cause de ses conséquences, comme elle l’était déjà par ses motifs. Ce que le raisonnement démontre est confirmé par l’expérience. La misère marche toujours à la suite du luxe. Un riche fastueux emploie en bijoux de prix, en repas somptueux, en hôtels magnifiques, en chiens, en chevaux, en maîtresses, des valeurs qui, placées productivement, auraient acheté des vêtemens chauds, des mets nourrissans, des meubles commodes, à une foule de gens laborieux condamnés par lui à demeurer oisifs et misérables. Alors le riche a des boucles d’or, et le pauvre manque de souliers ; le riche est habillé de velours, et le pauvre n’a pas de chemise.

Telle est la force des choses, que la magnificence a beau vouloir éloigner de ses regards la pauvreté, la pauvreté la suit opiniâtrément, comme

  1. La république a bien affaire
    De gens qui ne dépensent rien !
    Je ne sais d’homme nécessaire
    Que celui dont le luxe épand beaucoup de bien.
    La Fontaine, Avantage de la Science.

    « Si les riches ne dépensent pas beaucoup, les pauvres mourront de faim. » Montesquieu, Esprit des Lois, liv. VII, chap. 4.