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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

n’ajoutent rien aux richesses de la société, comme on l’a répété trop souvent. Si les institutions, les circonstances qui font naître des besoins louables, sont favorables aux nations, celles qui excitent à consommer pour détruire des produits et pour donner lieu à les remplacer, ne le sont pas[1]. Les moyens de production ont des bornes ; les épuiser par système, sans autre but que de les épuiser, est une puérilité : c’est prodiguer sans but des moyens de bonheur.

Si l’on conseillait aux gens, non de faire tort aux consommations favorables à leur bien-être et à celui de la société, mais seulement d’augmenter la masse de leurs consommations, ce serait leur conseiller d’avoir plus de revenus, de devenir plus riches ; conseil assez futile, si on ne leur indique pas en même temps les moyens de devenir plus riches. Et si vous leur indiquez ces moyens, si vous leur dites : Développez votre intelligence ; soyez plus industrieux ; mettez en valeur vos terres et vos capitaux ; multipliez ces capitaux par des accumulations graduelles, vous leur dites : produisez ; mot qui, à lui seul, signifie tout le reste. En effet, la consommation suit infailliblement une production véritable ; car produire, c’est donner de la valeur ; cette valeur ne peut naître dans une chose que de l’envie qu’elle excite chez des consommateurs quelconques, et ceux-ci ne l’achètent que pour la consommer. Toutes les fois qu’un fait n’arrive pas de cette manière, il n’est qu’un accident dont le producteur ou le consommateur sont la victime, et qu’on évite autant qu’on peut.

Si l’encouragement que l’on croirait devoir donner à la consommation stérile allait jusqu’à porter atteinte à des capitaux, ce ne serait plus seulement une consommation que l’on provoquerait aux dépens d’une autre ; ce serait la suppression de toutes les consommations successives qui se seraient renouvelées chaque fois que la portion dissipée du capital aurait été dépensée pour une production nouvelle ; car on ne peut faire valoir un capital qu’en le dépensant, et on le dépense de nouveau aussi souvent qu’il est rétabli par la production.

On supposera peut-être que les ventes provoquées par la consommation stérile, sont favorables aux producteurs en ceci que tout produit terminé étant une portion non encore réalisée du capital de l’entrepreneur, plus sa vente est prompte, et plus tôt il peut, avec le même capital, re-

  1. S’il m’était permis d’exprimer la même idée par une locution populaire, je dirais : Portez des souliers, parce que l’usage d’une chaussure est une consommation salutaire ; mais n’usez pas des souliers pour faire gagner les cordonniers.