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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE II.

Les peuples civilisés, riches et industrieux, consomment beaucoup plus que les autres, parce qu’ils produisent incomparablement davantage. Ils recommencent tous les ans, et, dans bien des cas, plus d’une fois par an, la consommation de leurs capitaux productifs, qui renaissent perpétuellement ; et ils consomment improductivement la majeure partie de leurs revenus, soit industriels, soit capitaux, soit fonciers. On propose pour modèles dans certains livres les nations qui ont peu de besoins : il vaut mieux avoir beaucoup de besoins et savoir les satisfaire. C’est ainsi non-seulement que se multiplient les individus, mais que l’existence de chaque individu est plus complète.

Steuart[1] vante les Lacédémoniens parce qu’ils savaient se priver de tout, ne sachant rien produire. C’est une perfection qui est partagée par les peuples les plus grossiers et les plus sauvages ; ils sont peu nombreux et mal pourvus. En poussant ce système jusqu’à ses dernières conséquences, on arriverait à trouver que le comble de la perfection serait de ne rien produire et de n’avoir aucun besoin, c’est-à-dire, de ne pas exister du tout.

CHAPITRE II.

Des effets généraux de la Consommation.

L’effet le plus immédiat de toute espèce de consommation est la perte de valeur, et par conséquent de richesse, qui en résulte pour le possesseur du produit consommé. Cet effet est constant, inévitable, et jamais on ne doit le perdre de vue toutes les fois qu’on raisonne sur cette matière. Un produit consommé est une valeur perdue pour tout le monde et pour toujours ; mais cette perte est accompagnée d’une compensation : de même que la production est un échange que l’on fait des frais de production contre un produit, la consommation est l’échange que l’on fait d’un produit contre une jouissance.

Cette jouissance est de deux sortes : elle consiste, soit dans la satisfaction immédiate d’un besoin : c’est celle que procure la consommation improductive ; soit dans la reproduction d’un autre produit que l’on peut

  1. Liv. II, ch. 14.