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DE LA CONSOMMATION DES RICHESSES.

sieurs années. Sa consommation n’emporte annuellement qu’un quart, peut-être un dixième de cette portion de son capital.

Les besoins des consommateurs déterminent en tout pays les créations des producteurs. Le produit dont le besoin se fait le plus sentir est le plus demandé ; le plus demandé fournit à l’industrie, aux capitaux et aux terres de plus gros profits, qui déterminent l’emploi de ces moyens de production vers la création de ce produit. De même, lorsqu’un produit est moins demandé, il y a moins d’avantage à le faire ; il ne se fait pas. Ce qui se trouve fait, baisse de prix ; le bas prix où le produit tombe, en favorise l’emploi, et tout se consomme.

On peut, si l’on veut, séparer la consommation totale d’un peuple, en consommations publiques et en consommations privées. Les premières sont celles qui sont faites par le public ou pour son service ; les secondes sont celles qui sont faites par les particuliers ou par les familles. Les unes et les autres peuvent être ou reproductives ou improductives.

Dans une société quelconque, tout le monde est consommateur, puisqu’il n’est personne qui puisse subsister sans satisfaire des besoins, quelque bornés qu’on les suppose ; et comme d’un autre côté tous les membres de la société, lorsqu’ils ne reçoivent pas gratuitement ce qui les fait vivre, concourent à la production, soit par leur industrie, soit par leurs capitaux, soit par leurs terres, on peut dire qu’en tout pays les consommateurs sont les producteurs eux-mêmes ; et les classes où s’opèrent les plus grandes consommations, sont les classes mitoyennes et indigentes, où la multitude des individus fait plus que balancer la modicité de leurs consommations[1].

  1. Il est probable que les revenus industriels, dans tout pays passablement industrieux, excédent les revenus capitaux et les revenus fonciers mis ensemble, et que par conséquent les consommations de ceux qui n’ont que des profits industriels, c’est-à-dire, leurs bras et leurs talens pour vivre, surpassent celles des capitalistes et des propriétaires fonciers réunis. Il n’est pas rare de voir une manufacture qui, avec un capital de six cent mille francs, paie pour des salaires 500 francs par jour ouvrable, ou 90, 000 fr. par an ; à quoi on peut, par évaluation, ajouter 20, 000 fr. de profits nets pour ses entrepreneurs ; ce qui donne, pour cette manufacture, 110, 000 francs de revenus industriels par année. Les bailleurs de fonds ou capitalistes, au denier vingt, n’en retirent que 50, 000 francs. Les métayers, qui sont les plus misérables des fermiers, en y comprenant les ouvriers qu’ils emploient, retirent un revenu industriel égal au revenu foncier et au revenu capital du propriétaire, qui leur fournit le fonds et les avances.