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PRÉLIMINAIRE.

que le corps humain soit soustrait aux recherches qui tendent à le faire mieux connaître ? L’affirmative n’est pas soutenable ; mais que dirait-on si elle était soutenue par des docteurs qui, tout en décriant la médecine, vous soumettraient eux-mêmes à un traitement fondé sur un vieil empirisme et sur les plus sots préjugés ? S’ils écartaient tout enseignement méthodique et régulier ? S’ils fesaient malgré vous, sur votre corps, de sanglantes expériences ? Si leurs ordonnances étaient accompagnées de l’appareil et de l’autorité des lois ? Et enfin s’il les fesaient exécuter par des armées de commis et de soldats ?

On a dit encore à l’appui des vieilles erreurs, qu’il faut bien qu’il y ait quelque fondement à des idées si généralement adoptées par toutes les nations ; ne doit-on pas se défier d’observations et de raisonnemens qui renversent ce qui a été tenu pour constant jusqu’à ce jour, ce qui a été admis par tant de personnages que rendaient recommandables leurs lumières et leurs intentions ? Cet argument, je l’avoue, est digne de faire une profonde impression, et pourrait jeter du doute sur les points les plus incontestables, si l’on n’avait vu tour à tour les opinions les plus fausses, et que maintenant on reconnaît généralement pour telles, reçues et professées par tout le monde pendant une longue suite de siècles. Il n’y a pas encore bien long-temps que toutes les nations, depuis la plus grossière jusqu’à la plus éclairée, et que tous les hommes, depuis le portefaix jusqu’au philosophe le plus savant, admettaient quatre élémens. Personne n’eût songé même à contester cette doctrine, qui pourtant est fausse ; tellement qu’aujourd’hui il n’y a pas d’aide-naturaliste qui ne se décriât, s’il regardait la terre, l’eau, l’air et le feu comme des élémens[1].

  1. Toutes nos connaissances, même les plus importantes, ne datent que d’hier. Le célèbre agronome Arthur Young, après avoir soigneusement cherché à recueillir tout ce qu’on avait observé sur l’assolement des terres, c’est-à-dire, sur la partie la plus importante de l’agriculture, celle qui enseigne par quelle succession de récoltes on peut occuper constamment le terrain et avec le plus d’avantage, dit qu’il n’a pu recueillir sur ce point aucune notion qui fût antérieure à l’année 1768. Il y a des arts non moins essentiels au bonheur de l’homme, sur lesquels on n’a encore aucune idée juste.