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LIVRE TROISIÈME. — CHAPITRE I.

sommés dans l’année par tous les individus et les corps dont cette nation se compose.

Dans la consommation annuelle d’un particulier ou d’une nation, doivent être comprises les consommations de tout genre, quels qu’en soient le but et le résultat, celles d’où il doit sortir une nouvelle valeur, et celles d’où il n’en doit point sortir ; de même qu’on comprend dans la production annuelle d’une nation la valeur totale de ses produits créés dans l’année. Ainsi l’on dit d’une manufacture de savon qu’elle consomme en soude une valeur de vingt mille francs par an, quoique la valeur de cette soude doive reparaître dans le savon que la manufacture aura produit ; et l’on dit qu’elle produit annuellement pour cent mille francs de savon, quoique cette valeur n’ait eu lieu que par la destruction de beaucoup de valeurs qui en réduiraient bien le produit, si l’on voulait les déduire. La consommation et la production annuelles d’une nation ou d’un particulier sont donc leur consommation et leur production brutes[1].

Par une conséquence naturelle, il faut comprendre dans les productions annuelles d’une nation, toutes les marchandises qu’elle importe, et dans sa consommation annuelle toutes celles qu’elle exporte. Le commerce de la France consomme toute la valeur des soieries qu’il envoie aux États-Unis ; il produit toute la valeur des cotons qu’il en reçoit en retour ; de même que les manufactures françaises ont consommé la valeur de la soude envoyée, pour ainsi dire, dans la chaudière du savonnier, et qu’elles ont produit la valeur du savon qui en a été retiré.

Quoique le capital soit consommé reproductivement dans les opérations de l’industrie, la somme des consommations annuelles est tout autre chose que la somme des capitaux d’une nation ou d’un particulier. Un capital ou une portion d’un capital peuvent être consommés plusieurs fois dans la même année. Un cordonnier achète du cuir, le taille en souliers, et vend ses souliers ; voilà une portion de capital consommée et rétablie. En réitérant cette opération plusieurs fois dans l’année, il consomme autant de fois cette portion de son capital ; si elle s’élève à deux cents francs, et qu’il renouvelle le même achat douze fois dans l’année, ce capital de deux cents francs aura donné lieu à une consommation annuelle de 2,400 francs. D’un autre côté, il y a telle autre partie de son capital, comme ses outils, qui n’est entièrement consommée qu’au bout de plu-

  1. Voyez plus haut (liv. II, ch. 3) la distinction du produit brut et du produit net.