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DISCOURS

ticuliers opposés à l’intérêt général, soit à l’ignorance où leurs auteurs sont encore des derniers progrès de l’économie politique. Ils exercent peu d’influence ; le siècle les abandonne ; et pour les combattre, il suffit d’exposer de plus en plus clairement les saines doctrines, et de s’en remettre au temps du soin de les répandre. On se jetterait autrement dans des contreverses interminables qui n’apprendraient rien au public éclairé, et qui feraient croire au public ignorant que rien n’est prouvé, parce qu’on dispute sur tout.

Des champions-nés de toute espèce d’ignorance, ont remarqué, avec une confiance doctorale, que les nations et les particuliers savent fort bien augmenter leur fortune sans connaître la nature des richesses, et que c’était une connaissance purement spéculative et inutile. Il convient à l’homme sensé de porter ses vues plus loin. Tous les calculs qui conduisent à la richesse peuvent suffire à l’intérêt personnel dépourvu de moralité ; peu lui importe que ce soit aux dépens d’autrui : l’honnête homme et le publiciste veulent que les biens acquis ne soient pas des dépouilles. Les ressources ruineuses ne suffisent pas à l’entretien de la société ; elles sont funestes même à ceux qui en profitent ; car chez un peuple où l’on se dépouillerait mutuellement, il ne resterait bientôt plus personne à dépouiller. Les biens qui fournissent une ressource constante sont ceux qu’on crée incessamment. Il est donc utile que l’on sache ce qui est favorable ou contraire à la production de ces biens, par qui seuls le corps social peut être entretenu ; qui seuls contribuent à son développement, à son bien-être. Chacun de nous est intéressé à le savoir ; car le corps social est un corps vivant dont nous sommes les membres, et quand il souffre, nous souffrons. Sans doute il vit par lui-même et sans que la plupart des hommes sache comment ; mais le corps humain subsiste de même : cependant est-il indifférent à l’humanité