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LIVRE SECOND. — CHAPITRE XI.

suré d’une haute prospérité. Elle est le signe assuré d’une grande production ; mais pour qu’il y ait une haute prospérité, il faut que la population, quelle qu’elle soit, se trouve abondamment pourvue de toutes les nécessités de la vie et de quelques-unes de ses superfluités. Il y a des parties de l’Inde et de la Chine prodigieusement populeuses, qui sont en même temps prodigieusement misérables ; mais ce n’est pas en diminuant le nombre des individus qu’on les rendrait mieux pourvues, car on ne pourrait le faire sans diminuer aussi leurs productions. Dans ces cas-là il faut souhaiter, non pas la diminution du nombre des hommes, mais l’augmentation de la quantité des produits, qui a toujours lieu quand la population est active, industrieuse, économe, et bien gouvernée, c’est-à-dire, peu gouvernée.

Si les habitans d’un pays s’élèvent naturellement au nombre que le pays peut entretenir, que deviennent-ils dans les années de disette ?

Steuart répond[1] :

Qu’il n’y a pas tant de différence qu’on l’imagine entre deux récoltes ; qu’une année mauvaise pour un canton est bonne pour un autre ; que la mauvaise récolte d’une denrée est balancée par la bonne récolte d’une autre. Il ajoute que le même peuple ne consomme pas autant dans les années de disette, que dans les années d’abondance : dans celle-ci tout le monde est mieux nourri ; on emploie une partie des produits à engraisser des animaux de basse-cour ; les denrées étant moins chères, il y a un peu plus de gaspillage. Quand la disette survient, la classe indigente est mal nourrie ; elle fait de petites parts à ses enfans ; loin de mettre en réserve, elle consomme ce qu’elle avait amassé : enfin il n’est malheureusement que trop avéré qu’une portion de cette classe souffre et meurt.

Ce malheur arrive surtout dans les pays très-populeux, comme l’Indoustan, la Chine, où il se fait peu de commerce extérieur et maritime, et où la classe indigente s’est accoutumée de longue main à se contenter du strict nécessaire pour vivre. Le pays, dans les années ordinaires, produisant tout juste de quoi fournir cette chétive subsistance, pour peu que la récolte soit mauvaise, ou seulement médiocre, une multitude de gens n’ont plus même le strict nécessaire : ils meurent par milliers. Tous les rapports attestent que les famines, par cette raison, sont très-fréquentes et très-meurtrières à la Chine et dans plusieurs contrées de l’Inde.

Le commerce, et surtout le commerce maritime, facilitant les échanges,

  1. Liv. I, ch. 17.