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LIVRE SECOND. — CHAPITRE XI.

On peut donc dire que les fléaux qui retranchent des hommes, s’ils ne nuisent pas à la population, nuisent à l’humanité ; et c’est seulement sous ce dernier rapport que ceux qui causent de tels fléaux sont hautement coupables[1].

Si les fléaux passagers sont plus affligeans pour l’humanité que funestes à la population des états, il n’en est pas ainsi d’une administration vicieuse et qui suit un mauvais système en économie politique. Celle-ci attaque la population dans son principe, en desséchant les sources de la production ; et comme le nombre des hommes, ainsi que nous l’avons vu, s’élève toujours pour le moins autant que le permettent les revenus annuels d’une nation, un gouvernement qui diminue les revenus en imposant de nou-

  1. Par une conséquence de ce qui est établi ici, les progrès de la médecine, et des moyens curatifs et préservatifs, tels que la vaccins, ne peuvent exercer, d’une manière constante, aucune influence sur la population d’un pays ; mais on aurait tort d’inférer de là que de si importans progrès sont sans influence sur le sort de l’humanité. Ces moyens puissans conservent des hommes qui sont avances, jusqu’à un certain point, en âge, en force, en connaissances, et qui ne pourraient être remplacés sans des naissances et des avances nouvelles, c’est-à-dire, sans des infirmités, des souffrances, des sacrifices de la part des parens et des enfans. Quand la population ne s’entretient qu’à force de naissances nouvelles, il s’y rencontre plus de ces souffrances qui accompagnent toujours la naissance et la mort des individus de notre espèce, parce que les naissances et les morts y sont plus fréquentes. La population d’un pays peut s’entretenir avec la moitié moins de naissances et de morts, si les habitans, au lieu de ne parvenir qu’à l’âge de 20 ans, excèdent communément l’âge de 40 ans. Il est vrai que, dans cette supposition, il y a beaucoup plus de germes qui deviennent superflus ; mais les maux doivent se mesurer par les souffrances, et des germes perdus n’entrainent pas de souffrances. Il y a une si grande quantité de germes perdus dans la nature organisée, que ce qui s’en perd de plus dans cette supposition n’a aucune importance. Si les plantes étaient susceptibles de sentir et de souffrir, il serait heureux pour elles que toutes les graines de celles qu’on est forcé d’arracher et de détruire, s’altérassent avant de s’organiser.