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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

et l’on peut dire que tous ceux qui périssent à la suite d’un besoin que leur fortune ne leur a pas permis de satisfaire, meurent de besoin.

On voit que des produits très-variés, parmi lesquels se trouvent même des produits que nous avons nommés immatériels, sont nécessaires à l’existence de l’homme, surtout dans les grandes sociétés ; que les produits dont la société a le plus besoin, dans l’état où elle se trouve, sont aussi ceux que les producteurs multiplient de préférence, parce que ce sont ceux-là même qui sont payés le plus cher relativement à leurs frais de production ; on voit enfin que, quelle que soit la cause qui borne la quantité des produits, cette quantité est la limite nécessaire de la population ; car les hommes n’existent qu’autant qu’ils ont à leur portée les moyens d’exister.

Ces propositions générales reçoivent bien des modifications des circonstances particulières. Si les produits sont très-inégalement distribués, si un homme en a plus qu’il ne lui en faut pour exister dans sa situation, la population sera moins grande que si le surplus de cet homme en fesait vivre un autre. Si les besoins d’une nation sont grands, la même quantité de produits n’y fera pas subsister autant de monde que dans une supposition contraire. Toujours est-il vrai que, toutes choses étant d’ailleurs égales, le nombre des hommes se proportionnera à la quantité des produits. C’est une vérité reconnue par la plupart des auteurs qui ont écrit sur l’économie politique, quelque variées que soient leurs opinions sur presque tout le reste[1].

  1. Voyez Steuart, De l’Économie politique, liv. I, ch. 4 ; Quesnay, article Grains ; dans l’Encyclopédie ; Montesquieu, Esprit des Lois, liv. XVIII, ch. 10, et liv. XXIII, ch. 10 ; Buffon, édition de Bernard, t. IV, page 266 ; Forbonnais, Principes et Observations, pages 39, 43 ; Hume, Essais, partie II, essai 11 ; Poivre, le volume de ses Œuvres, pages 144, 146 ; Condillac, Le Commerce et le Gouvernement, partie 1, ch. 24-25 ; le comte de Verri, Réflexions sur l’Économie politique, ch. 21 ; Mirabeau, Ami des Hommes, t. I, ch. 2 ; Raynal, Histoire de l’Établissement, etc., liv. XI, § 23 ; Chastellux, De la Félicité publique, t. II, page 205 ; Necker, Administration des Finances de France, ch. 9, et ses Notes sur l’Éloge de Colbert ; Condorcet, Notes sur Voltaire, édition de Kehl, t. XLV, p. 60 ; Smith, Richesse des Nations, livre I, chap. 8 et 11 ; Garnier, Abrégé élémentaire, partie I, ch. 5, et dans la Préface de sa traduction de Smith ; Herrenschwand, De l’Économie politique moderne, p. 2 ; Godwin, De la Justice politique, liv. VIII, ch. 3 ; Jérémie Bentham, Théorie des peines et des récompenses, t. II, page 304 ; Clavière, De la France et des États-Unis, deuxième édition, pages 60 et 315 ; Browne-Dignan, Essai sur les Principes de l’Économie publique, page 97 ; Londres, 1776 ; Beccaria, Elementi di Economia publica, parte prima, cap. 2 et 5 ; Corani, Recherches sur la Science du Gouvernement, t. II, ch. 7 ; de Sismondi, Nouveaux Principes d’Économie politique, liv. VII, ch. et suivans. Voyez surtout l’Essai sur la Population, de Malthus, ouvrage rempli de recherches et de raisonnemens judicieux, et qui a résisté aux nombreuses critiques qu’on a dirigées contre lui, parce qu’il est fondé sur la méthode expérimentale et sur la nature des choses telles qu’elles sont.