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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

pose qu’un français qui sort de sa patrie lui ravit une affection et un concours de forces qu’elle n’était pas en droit d’attendre d’un étranger.

Quant à la nation au sein de laquelle rentre un de ses enfans, elle fait la meilleure de toutes les acquisitions ; c’est pour elle une acquisition de population, une acquisition de profits industriels, et une acquisition de capitaux. Cet homme ramène un citoyen et en même temps de quoi faire vivre un citoyen.

À l’égard des capitaux prêtés d’un pays à un autre, il n’en résulte d’autre effet, relativement à leur richesse respective, que l’effet qui résulte pour deux particuliers d’un prêt et d’un emprunt qu’ils se font. Si la France emprunte à la Hollande des fonds et qu’elle les consacre à des usages productifs, elle gagne les profits industriels et territoriaux qu’elle fait au moyen de ces fonds ; elle gagne même en payant des intérêts, tout comme un négociant, un manufacturier, qui emprunte pour faire aller son entreprise, et à qui il reste des bénéfices, même après avoir payé l’intérêt de son emprunt.

Mais si un état emprunte à un autre, non pour des usages productifs, mais pour dépenser ; alors le capital qu’il a emprunté ne lui rapporte rien, et son revenu demeure grevé des intérêts qu’il paie à l’étranger. C’est la situation où s’est trouvée la France quand elle a emprunté aux Gênois, aux Hollandais, aux Génevois, pour soutenir des guerres ou subvenir aux profusions de la cour. Toutefois il valait mieux, même pour dissiper, emprunter aux étrangers qu’aux nationaux, parce qu’au moins cette partie des emprunts ne diminuait pas les capitaux productifs de la France. De toute manière, le peuple français payait les intérêts[1] ; mais quand il avait prêté les capitaux, il payait les intérêts tout de même, et de plus il perdait les profits que son industrie et ses terres auraient pu faire par le moyen de ces mêmes capitaux.

Pour ce qui est des fonds de terres possédés par des étrangers résidant à l’étranger, le revenu que donnent ces fonds de terre est un revenu de l’étranger, et cesse de faire partie du revenu national ; sauf toutefois pour la portion de l’impôt qu’il supporte. Mais qu’on y prenne garde : les étrangers n’ont pas pu acquérir sans envoyer un capital égal en valeur à la terre acquise ; ce capital est un fonds non moins précieux qu’un fonds de terre ; et il l’est plus pour nous, si nous avons des terres à mettre en

  1. On verra dans le Livre suivant que les intérêts étaient aussi bien perdus, soit qu’ils fussent en France, soit qu’ils le fussent à l’étranger.