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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

Lorsque le propriétaire répand un capital en améliorations sur sa terre, en fesant des saignées de desséchement, des canaux d’arrosement, des clôtures, des constructions, des murs, des maisons, alors le fermage se compose non-seulement du profit du fonds, mais aussi de l’intérêt de ce capital[1].

Le fermier lui-même peut améliorer le fonds à ses frais ; mais c’est un capital dont il ne tire les intérêts que pendant la durée de son bail, et qui, à l’expiration de ce bail, ne pouvant être emporté, demeure au propriétaire ; dès ce moment, celui-ci en retire les intérêts sans en avoir fait les avances ; car le loyer s’élève en proportion. Il ne convient donc au fermier de faire que les améliorations dont l’effet ne doit durer qu’autant que son bail, à moins que la longueur du bail ne laisse aux profits résultant de l’amélioration, le temps de rembourser les avances qu’elle a occasionnées, avec l’intérêt de ces avances.

De là l’avantage des longs baux pour l’amélioration du produit des terres, et l’avantage encore plus grand de la culture des terres par la main de leurs propriétaires ; car le propriétaire a, moins encore que le fermier, la crainte de perdre le fruit de ses avances ; toute amélioration bien entendue lui procure un profit durable, dont le fonds est fort bien remboursé quand la terre se vend. La certitude que le fermier a de jouir jusqu’à la fin de son bail, n’est pas moins utile que les longs baux à l’amélioration des fonds de terre. Les lois et les coutumes qui admettent la résiliation des baux dans certains cas, comme dans celui de la vente, sont au contraire préjudiciables à l’agriculture. Le fermier n’ose tenter aucune amélioration importante lorsqu’il risque perpétuellement de voir un successeur profiter de son imagination, de ses travaux et de ses frais ; ses améliorations mêmes augmentent ce risque, car une terre en bon état de réparation se vend toujours plus facilement qu’une autre. Nulle part les baux ne sont plus respectés qu’en Angleterre. Ce n’est que là qu’on voit des fermiers assez sûrs de n’être pas dépossédés, pour bâtir sur le terrain qu’ils tiennent à loyer. Ces gens-là améliorent les terres comme si elles étaient à eux, et leurs propriétaires sont exactement payés ; ce qui n’arrive pas toujours ailleurs.

Il y a des cultivateurs qui n’ont rien, et auxquels le propriétaire fournit le capital avec la terre. On les appelle des métayers. Ils rendent commu-

  1. Le capital engagé en bonifications dans la terre est quelquefois d’une valeur plus grande que le fonds lui-même. C’est le cas des maisons d’habitation.