Page:Say - Traité d’économie politique.djvu/407

Cette page a été validée par deux contributeurs.
406
LIVRE SECOND. — CHAPITRE IX.

avance dont il n’est remboursé qu’au moment de la vente des produits.

J’ai dit que le service productif de la terre est le premier fondement du profit qu’on en tire ; nous apprécierons tout à l’heure les objections qu’on a élevées contre cette proposition ; en attendant, on peut la regarder comme prouvée par les profits très-divers qu’on tire des différens terrains suivant leur fertilité et les qualités qui les distinguent. Chaque arpent d’un vignoble distingué rapporte dix fois, cent fois ce que rapporte l’arpent d’un terrain médiocre ; et une preuve que c’est la qualité du sol qui est la source de ce revenu, c’est que les capitaux et les travaux employés dans la même entreprise, ne donnent pas en général de plus gros profits que les capitaux et les travaux employés dans d’autres entreprises.

En comparant un bon terrain avec ce qu’il coûte, on pourrait croire qu’il ne rapporte pas plus qu’un mauvais ; et en effet un arpent dont on retire cent francs et qui coûte d’achat trois mille francs, ne rapporte pas plus qu’un arpent dont on retire seulement dix francs, et qui ne coûte que trois cents francs. Dans l’un et l’autre cas, la terre rend à son propriétaire, chaque année, le trentième de sa valeur. Mais qui ne voit que c’est le produit annuel qui a élevé la valeur du fonds ? La valeur du produit comparé avec le prix d’achat fait la rente de la terre, et la rente d’une bonne terre peut n’être pas supérieure à la rente d’une terre médiocre ; tandis que le profit foncier est la valeur du produit annuel comparé avec l’étendue du terrain ; et c’est sous ce rapport que le profit que rend un arpent de bon terrain, peut être cent fois supérieur à celui d’un mauvais.

Toutes les fois qu’on achète une terre avec un capital, ou un capital avec une terre, on est appelé à comparer la rente de l’une avec la rente de l’autre. Une terre qu’on achète avec un capital de cent mille francs pourra ne rapporter que trois à quatre mille francs, tandis que le capital en rapportait cinq ou six. Il faut attribuer la moindre rente dont on se contente en achetant une terre, d’abord à la plus grande solidité du placement, un capital ne pouvant guère contribuer à la production, sans subir plusieurs métamorphoses et plusieurs déplacemens, dont le risque effraie toujours plus ou moins les personnes qui ne sont pas accoutumées aux opérations industrielles, tandis qu’un fonds de terre produit sans changer de nature et sans déplacement. L’attrait et l’agrément qui accompagnent la propriété territoriale, la considération, l’aplomb et le crédit qu’elle procure, les titres même et les priviléges dont elle est accompagnée en certains pays, contribuent encore à cette préférence.