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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

une somme sur ses revenus, la dépensera, si cette somme devient incapable d’être employée avec profit ; car après tout elle renferme en elle une source de jouissances, et il y a des jouissances inépuisables, comme celles qui prennent leur source dans des actes de bienfesance et de munificence publique. C’est aussi dans les pays industrieux et économes que de tels actes sont les plus fréquens. En ce cas-ci, comme dans beaucoup d’autres, il n’y a point de causes absolues, mais des effets gradués et proportionnels à l’intensité des causes, et des causes dont l’intensité diminue graduellement à mesure que l’on approche des suppositions extrêmes.

La rétribution qui constitue le profit du capital, fait partie des frais de production des produits qui ne peuvent parvenir à l’existence sans le concours du capital. Pour que de tels produits soient créés, il faut que l’utilité qu’on leur donne élève leur prix assez haut pour rembourser à l’entrepreneur les profits du capital aussi bien que ceux de l’industrie dans tous ses grades, et ceux du fonds de terre. Il est impossible d’adopter l’opinion des écrivains qui pensent que ce prix ne représente que le travail de l’homme. — Les capitaux eux-mêmes, disent-ils, sont le fruit d’un travail antérieur ; il faut les considérer comme un travail accumulé. — En premier lieu, ils ne sont pas le fruit du travail uniquement, mais du concours des travaux, des capitaux et des fonds de terre ; et, en supposant qu’ils fussent le fruit du travail uniquement, il faudrait encore distinguer les produits qui composent le capital, des produits qui résultent de sa coopération. Entre eux se trouve toute la différence d’un fonds à un revenu, la même différence qu’on aperçoit entre une terre et les produits de la terre, entre la valeur d’un champ et la valeur de son loyer. Le fonds est le résultat d’un travail antérieur, j’y consens pour un moment ; mais le revenu est un nouveau produit, fruit d’une opération récente. Quand je prête ou plutôt quand je loue un capital de mille francs pour un an, je vends moyennant 50 francs, plus ou moins, sa coopération d’une année ; et, nonobstant les 50 francs reçus, je n’en retrouve pas moins mon capital de mille francs tout entier, dont je peux, l’année suivante, tirer le même parti que précédemment. Ce capital est un produit antérieur : le profit que j’en ai recueilli dans l’année, est un produit nouveau et tout-à-fait indépendant du travail qui a concouru à la formation du capital lui-même[1].

  1. Voyez, dans l’Épitome qui termine cet ouvrage, la démonstration rigoureuse de cette double production. Le capital paie les services rendus, et les services rendus produisent la valeur qui remplace le capital employé.