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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VIII.

le monopole du commerce de ces vastes colonies, et soit que les capitaux des portugais et des espagnols ne fussent pas suffisans pour un si grand commerce, soit que leur industrie ne fût pas assez active pour tirer parti de leurs capitaux, les négocians étrangers qui s’y transportaient avec des fonds, y fesaient, en peu d’années, des fortunes considérables. Il en est de même, je crois, de plusieurs établissemens anglais en Russie.

Concluons que les profits qu’on peut tirer de l’emploi des capitaux, varient selon les lieux et les circonstances ; et, malgré la difficulté qu’on éprouve à établir les lois générales qui déterminent ces profits divers, on peut présumer que toutes les circonstances qui contribuent à diminuer, pour chaque emploi, la quantité des capitaux qui se présentent, et à augmenter la quantité que réclament les besoins, tendent à élever les profits auxquels peut prétendre, pour sa quote-part, cet instrument de l’industrie. Dans les pays où l’on a plus généralement des habitudes économiques, comme en Angleterre, les capitaux étant plus communs, leurs profits, soumis à plus de concurrence, sont en général plus restreints. Quand l’ignorance, les préjugés, ou une timidité mal calculée, éloignent les capitaux des professions industrielles, ils s’y présentent en moins grande quantité et y font de plus gros profits. Avec des capacités industrielles égales, ils rendent bien plus en France qu’en Hollande, où non-seulement l’épargne les a rendus abondans, mais où nul préjugé ne les écarte des entreprises de commerce. On en peut juger par le taux de l’intérêt que l’on consent à payer dans l’un et l’autre pays[1].

Si les profits des capitaux baissent à mesure qu’ils deviennent plus abondans, on peut se demander si, dans un pays éminemment industrieux et économe, les capitaux pourraient se multiplier au point que leurs profits se réduisissent à rien. Il est difficile de croire ce cas possible ; car plus les profits capitaux diminuent, et plus diminuent aussi les motifs qui portent les hommes à l’épargne. Il est évident que l’homme qui pourrait épargner

  1. David Ricardo soutient que l’abondance des capitaux n’influe en rien sur leurs profits, parce que des capitaux plus considérables multiplient les travailleurs. « Si les fonds qui sont appliqués à l’entretien des travailleurs, dit-il, étaient doublés, triplés, quadruplés, on se procurerait sans difficulté les bras que réclameraient ces fonds. » (Ch. 21, Effects of accumulation on profits.) On voit qu’il suppose qu’il y a partout la même disposition à s’occuper, non-seulement de travaux industriels, mais de travaux industriels quelconques. C’est une supposition gratuite, et qui ne peut pas servir de base à un raisonnement.