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DE LA DISTRIBUTION DES RICHESSES.

Les moindres variations dans le prix de la main-d’œuvre la plus commune, ont de tout temps été regardées avec raison comme de très-grands malheurs. En effet, dans un rang un peu supérieur en richesse et en talens (qui sont une espèce de richesse), une baisse dans le taux des profits oblige à des retranchemens dans les dépenses, ou tout au plus entraîne la dissipation d’une partie des capitaux que ces classes ont ordinairement à leur disposition. Mais dans la classe dont le revenu est de niveau avec le rigoureux nécessaire, une diminution de revenu est un arrêt de mort, sinon pour l’ouvrier même, au moins pour une partie de sa famille.

Aussi a-t-on vu tous les gouvernemens, à moins qu’ils ne se piquent d’aucune sollicitude, venir à l’appui de la classe indigente, quand un événement subit a fait tomber accidentellement le salaire des travaux communs au-dessous du taux nécessaire pour l’entretien des ouvriers. Mais trop souvent les secours n’ont pas répondu dans leurs effets aux vues bienfesantes des gouvernemens, faute d’un juste discernement dans le choix des secours. Quand on veut qu’ils soient efficaces, il faut commencer par chercher la cause de la chute du prix du travail. Si elle est durable de sa nature, les secours pécuniaires et passagers ne remédient à rien : ils ne font que reculer l’instant de la désolation. La découverte d’un procédé inconnu, une importation nouvelle, ou bien l’émigration d’un certain nombre de consommateurs, sont de ce genre. Alors on doit tâcher de fournir aux bras désemployés une nouvelle occupation durable, favoriser de nouvelles branches d’industrie, former des entreprises lointaines, fonder des colonies, etc.

Si la chute de la main-d’œuvre est de nature à ne pas durer, comme celle qui peut être le résultat d’une bonne ou d’une mauvaise récolte, alors on doit se borner à accorder des secours aux malheureux qui souffrent de cette oscillation.

Un gouvernement ou des particuliers bienfesans avec légèreté, auraient le regret de ne point voir leurs bienfaits répondre à leurs vues. Au lieu de prouver cela par le raisonnement, j’essaierai de le faire sentir par un exemple.

Je suppose que dans un pays de vignobles les tonneaux se trouvent si abondans, qu’il soit impossible de les employer tous. Une guerre, ou bien une loi contraire à la production des vins, ont déterminé plusieurs propriétaires de vignobles à changer la culture de leurs terres ; telle est la cause durable de la surabondance du travail de tonnellerie mis en circulation. On ne tient pas compte de cette cause ; on vient au secours des ou-