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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VII.

Ces conditions excluent beaucoup de gens du nombre des concurrens.

En second lieu, ce genre de travail exige des qualités morales dont la réunion n’est pas commune. Il veut du jugement, de la constance, la connaissance des hommes et des choses. Il s’agit d’apprécier convenablement l’importance de tel produit, le besoin qu’on en aura, les moyens de production ; il s’agit de mettre en jeu quelquefois un grand nombre d’individus ; il faut acheter ou faire acheter des matières premières, réunir des ouvriers, chercher des consommateurs, avoir un esprit d’ordre et d’économie, en un mot, le talent d’administrer. Il faut avoir une tête habituée au calcul, qui puisse comparer les frais de production avec la valeur que le produit aura lorsqu’il sera mis en vente. Dans le cours de tant d’opérations, il y a des obstacles à surmonter, des inquiétudes à vaincre, des malheurs à réparer, des expédiens à inventer. Les personnes chez qui les qualités nécessaires ne se trouvent pas réunies, font des entreprises avec peu de succès ; ces entreprises ne se soutiennent pas, et leur travail ne tarde pas à être retiré de la circulation. Il n’y reste par conséquent que celui qui peut être continué avec succès, c’est-à-dire avec capacité. C’est de cette façon que la condition de la capacité borne le nombre de gens qui offrent le travail d’un entrepreneur.

Ce n’est pas tout : un certain risque accompagne toujours les entreprises industrielles ; quelque bien conduites qu’on les suppose, elles peuvent échouer ; l’entrepreneur peut, sans qu’il y ait de sa faute, y compromettre sa fortune, et, jusqu’à un certain point, son honneur : nouvelle raison qui borne d’un autre côté la quantité de ce genre de services qui est offerte, et les rend un peu plus chers.

Tous les genres d’industrie n’exigent pas, dans celui qui les entreprend, la même dose de capacité et de connaissances. Un fermier qui est un entrepreneur de culture, n’est pas obligé de savoir autant de choses qu’un négociant qui trafique avec les pays lointains. Pourvu que le fermier soit au fait des méthodes routinières de deux ou trois espèces de cultures, d’où dérive le revenu de sa ferme, il peut se tirer d’affaire. Les connaissances nécessaires pour conduire un commerce de long cours, sont d’un ordre bien plus relevé. Non-seulement il faut connaître la nature et les qualités des marchandises sur lesquelles on spécule, mais encore se former une idée de l’étendue des besoins et des débouchés aux lieux où l’on se propose de les vendre. Il faut en conséquence se tenir constamment au courant des prix de chacune de ces marchandises en différens lieux du monde. Pour se faire une idée juste de ces prix, il faut connaître les di-