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LIVRE SECOND. — CHAPITRE VII.

Conformément aux lois naturelles qui déterminent le prix des services productifs, ces conseils, ces directions, seront donc médiocrement payés, c’est-à-dire retireront une faible quote-part dans la valeur des produits auxquels elles auront contribué. Aussi tous les peuples assez éclairés pour comprendre de quelle utilité sont les travaux scientifiques, ont-ils toujours, par des faveurs spéciales et des distinctions flatteuses, dédommagé les savans du peu de profits attachés à l’exercice de leur industrie, à l’emploi de leurs talens naturels ou acquis.

Quelquefois un manufacturier découvre un procédé, soit pour donner de plus beaux produits, soit pour produire plus économiquement des choses déjà connues, et, à la faveur du secret qu’il en garde, il fait pendant plusieurs années, pendant sa vie, il lègue même à ses enfans des bénéfices qui excèdent le taux commun des profits de son art. Ce manufacturier fait dans ce cas particulier deux genres d’opérations industrielles : celle du savant, dont il réserve pour lui seul les avantages, et celle de l’entrepreneur. Mais il est peu d’arts où de tels procédés puissent long-temps demeurer secrets ; ce qui, au reste, est un bonheur pour le public ; car lorsque la concurrence des producteurs fait baisser le prix d’un produit, le revenu de ceux qui le consomment est accru de tout ce qu’ils paient de moins pour l’obtenir. Ils appliquent cet excédant à de nouvelles consommations ; la demande qui se fait des produits en général devient plus considérable, et la condition des producteurs est améliorée.

On comprend que je n’ai entendu parler ici que des revenus qu’on a comme savant. Rien n’empêche qu’un savant ne soit en même temps propriétaire foncier, capitaliste, ou chef d’industrie, et qu’il n’ait d’autres revenus sous ces divers rapports.

§ III. — Des Profits de l’Entrepreneur d’industrie.

Comme il est impossible de conduire une entreprise industrielle sans y employer un capital, les profits qu’y fait l’entrepreneur comprennent ordinairement les profits de son industrie et ceux du capital. Une portion de ce capital lui appartient presque toujours en propre ; une autre portion est fort souvent empruntée ; dans tous les cas, que le capital soit emprunté ou non, le profit qui résulte du service qu’on en retire, est gagné par l’entrepreneur, puisqu’il a pris à son compte toutes les chances, bonnes et mauvaises, de la production. Mais il ne sera question, dans ce paragraphe, que de la portion de ses profits qu’il peut devoir à ses facultés industrielles, c’est-à-dire à son jugement, à ses talens naturels